La nouvelle a fait l’effet d’une bombe dans le milieu de la Justice dans la soirée de vendredi. Interpellés jeudi dernier, le juge d’instruction Haingo Ramiandrisoa et le Sg du syndicat des personnels de l’administration pénitentiaire de Madagascar (Spapm) Diderot Realy César ont connu fortunes diverses à l’issue de leur déferrement vendredi, la liberté provisoire pour le premier et la prison pour le second.
Complicité d’évasion, tel est le motif de l’arrestation du juge d’instruction et du Sg du Spapm. En charge du dossier Houcine Arfa, ce juge a été amené au Tribunal de première instance d’Ambatolampy en vue d’un déferrement vendredi. A l’issue de l’enquête, Haingo Ramiandrisoa a bénéficié d’une liberté provisoire. Parallèlement le même jour, Diderot Realy César, a subi lui aussi une enquête dans le cadre de cette affaire Houcine Arfa et a été de suite placé en détention préventive à la prison d’Arivonimamo en milieu de journée.
Le Syndicat des magistrats de Madagascar (Smm) a été le premier à réagir à cette double arrestation. En signe de solidarité, les tribunaux de Madagascar ont été fermés samedi et le risque de paralysie de la machine judiciaire est à craindre cette semaine. « Tout dépend de la décision de l’assemblée générale extraordinaire du syndicat convoquée pour demain », avance Fanirisoa Ernaivo, présidente du Smm. Elle qui a fait le déplacement à Ambatolampy vendredi avec des collègues en guise de soutien envers un membre du syndicat. « Il ne s’agit pas de corporatisme mais de la dénonciation d’un traitement inégalitaire des personnes citées par Houcine Arfa. Ne serait-ce que les cas du juge et du Sg du Spapm. Avec les mêmes charges, l’un a obtenu une liberté provisoire alors que l’autre est incarcéré. Pour nous, il y a tentative de dresser les pénitenciers contre les magistrats », explique la présidente du Smm qui s’étonne également d’une absence d’enquête pour les autres accusés par Houcine Arfa de l’avoir aidé à s’évader. Faniry Ernaivo a cité entre autres la ministre de la Justice, la procureure de la République, le chef de la Brigade criminelle, etc.
Dans la matinée de vendredi, les membres du Bureau de coordination du contrôle des juridictions et des établissements pénitentiaires au sein du ministère de la Justice sont montés au créneau pour révéler les avancées de l’enquête relative à cette affaire Houcine Arfa. Razafindrakoto Solohery, directeur de la promotion de l’intégrité au sein dudit bureau, soutient que toutes les personnes citées par Houcine Arfa auraient fait l’objet d’une enquête dont les directeurs des prisons de Tsiafahy et d’Antanimora et la ministre de la Justice entre autres. Il confie également qu’« un médecin, un magistrat, un chauffeur de taxi, trois agents pénitentiaires, et un infirmier y sont directement impliqués ».
Fanirisoa Ernaivo, sans dénigrer la Direction de la promotion de l’intégrité (Dpi), analyse que cette dernière est placée sous les ordres de la ministre de la Justice. « Pourquoi confier l’enquête à cette direction et botter en touche la demande d’intervention du conseil supérieur de la magistrature dans cette affaire suite à la sollicitation du Smm », s’interroge la présidente du syndicat des magistrats.
Détails intrigants
Plusieurs détails intriguent et suscitent des interrogations dans le cadre de cette affaire Houcine Arfa. En premier lieu, les conversations téléphoniques entre les suspects auraient suffi comme preuves de leur implication. Ensuite, après les révélations d’Houcine Arfa, les autorités étatiques dont la ministre de la Justice n’ont cessé de marteler qu’il s’agit de « la parole d’un évadé contre la Justice malagasy ». Pourtant, c’est la Justice elle même qui se conforme à ces paroles en suivant à la lettre toutes les accusations d’Houcine Arfa. En revanche, les personnes citées par l’évadé de 53 ans comme ayant bénéficié de pot-de-vin faramineux n’ont pas été jusqu’ici inquiétées.
Interrogé sur le sujet, Paolo Solonavalona Raholinarivo, administrateur civil affirme que « nous sommes dans un Etat de droit et nul ne doit être au- dessus de la loi. En revanche, il ne devrait y avoir deux poids deux mesures dans l’exécution d’une procédure et celle-ci ne doit en aucun cas être sélective ». Au nom de cette égalité devant la loi, il roule pour que le traitement de toutes les personnes suspectées ou impliquées dans cette affaire soit identique. Il s’interroge également sur l’acte de poursuite étant donné que les interpellations n’ont lieu que deux mois voire plus après l’évasion de Houcine Arfa.
La Rédaction