Du jamais vu. Un juge qui refuse d’être remplacé et qui intente un procès soutenu par le syndicat des magistrats. Les magistrats qui appellent à une grève générale étant donné qu’un de leurs collègues a été arrêté. Ahurissant.
Le limogeage du Procureur général de la Cour suprême en conseil des ministres est contesté par ses pairs, lesquels argumentent que la décision aurait dû être avalisée par le Conseil suprême de la magistrature qui propose trois noms pour le poste. Voilà donc que la Justice prend le chemin du corporatisme primaire à l’image de la police, de la gendarmerie et des agents pénitentiaires qui refusent qu’un des leurs comparaisse au tribunal qu’il soit coupable ou pas.
On se souvient de la mort tragique du juge Rehavana tabassé par des policiers en plein procès en 2011 a Toliara. L’affaire n’a jamais été jugée pour la simple raison que les coupables refusent de comparaître, soutenus par leur chef hiérarchique. L’incident semble faire tache d’huile puisque d’autres procès impliquant des membres des forces de l’ordre n’ont pu avoir lieu pour les mêmes raisons.
La Justice censée être la tutelle des forces de l’ordre en tant qu’officiers de police judiciaire n’a plus aucune autorité sur celles-ci. Pire, elle est en train de leur emboîter le pas. Le remplacement des hauts fonctionnaires de l’État a toujours été un pouvoir régalien de l’Exécutif.
Ce n’est pas la première fois qu’un procureur a été remplacé. On n’a jamais connu de protestation dans le passé. S’il faut consulter le corps d’origine d’un fonctionnaire à chaque changement, il est clair que tout le monde reste à sa place pendant une éternité.
Il est patent que l’appareil judiciaire est miné par la corruption. Certains juges sont connus de notoriété publique. Si l’État opère des changements après les événements de ces derniers temps, c’est qu’il estime qu’un assainissement est nécessaire. Refuser une telle démarche, c’est accepter que la corruption continue à gangrener la Justice. Le reste c’est du pur formalisme administratif.
C’est inouï de penser que des juges demandent à être consultés avant un limogeage. Ils ont plus de chance que les ministres ou les directeurs généraux qui apprennent leur remplacement à travers la presse alors qu’ils sont encore en mission à l’étranger. On sait que les ministres et les directeurs sont des intérimaires de même que les autres hauts fonctionnaires de l’État. Et comme on est soumis au spoil système depuis la première République, on s’accommode bien de la place tournante.
Cette réaction des magistrats illustre bien la déliquescence de l’État. On se trouve sur une pente glissante et chaque jour, on fait un pas de plus vers l’enfer. Quand les juges contestent l’autorité de l’État, comment peut-on l’imposer aux justiciables ? On a largement dépassé les bornes et on n’a jamais pensé que l’indépendance de la Justice voulait signifier être au-dessus de l’Exécutif.
Tant qu’à faire, les magistrats n’ont qu’à nommer le ministre de la Justice qui leur convient, les présidents des Cours et juridictions, les procureurs…Dans ce cas, le judiciaire sera complètement séparé de l’Exécutif. On n’en est pas loin par la force des choses.
Par Sylvain Ranjalahy
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