Un phénomène neuf et qu’on n’a pas constaté dans les précédentes élections présidentielles : l’immixtion de la Justice dans la campagne électorale, apparemment pour nuire à un candidat. Par le passé, pour désavantager un concurrent, ce sont les particuliers qui agissaient par le biais de tracts, d’articles de presse ou de publication sur les réseaux sociaux. On se souvient des photomontages érotiques concernant le Pr Zafy Albert, des insinuations sur l’appartenance de Marc Ravalomanana à des sociétés sataniques, ou du scandale pour cause d’ébriété provoqué par Jean-Louis Robinson. Actuellement, pour diminuer un candidat, c’est la Justice en personne qui entre dans la danse et qui donne des crocs-en-jambe.
On notera en premier lieu l’action du ministère de la Justice qui a suspendu dans ses fonctions de juge et de substitut du procureur la candidate n°25, Fanirisoa Ernaivo. Le motif invoqué, l’ « apologie du crime », n’était pas évident, la dame ayant surtout proféré une malédiction à l’endroit des forces de l’ordre qui ont interdit l’accès de son meeting (pourtant autorisé) au public. Ainsi diabolisée, cette candidate a certainement vu beaucoup de ses partisans lui tourner le dos et se jeter dans les bras de ses adversaires. Il est vrai qu’au sein du ministère de la Justice, il y a des jalousies et des rivalités, et la perspective de voir la magistrate Fanirisoa Ernaivo devenir chef d’Etat (ou au moins ministre de la Justice) y est insupportable à certains…
On notera ensuite la décision de la Haute Cour de Justice (Hcj) d’engager des poursuites contre « deux anciens chefs d’Etat et un ancien chef de gouvernement ». L’annonce semblait sagement s’en tenir à cette information laconique, en fait des fuites peut-être programmées ont livré au public le nom du candidat n°13, Andry Rajoelina, actuellement promis au second tour. Ce dernier doit répondre de faits relatifs à des exportations illicites de bois de rose, commis sous la transition. Si la procédure suit normalement son cours, la mise en accusation d’Andry Rajoelina démarrera devant l’Assemblée nationale, avec un vote « public » à la majorité des députés. L’opération, fortement médiatisée, pourrait intervenir lors de la campagne du second tour et ne manquera d’avoir un effet dévastateur sur la cote du candidat n°13.
Le troisième cas est celui de Mbola Rajaonah, ex-conseiller spécial de Hery Rajaonarimampianina, opérateur richissime qui agit dans le transit et les douanes. Apparemment, après la démission de son protecteur, l’homme a rejoint le camp de Marc Ravalomanana, si l’on en juge par la nouvelle ligne éditoriale appliquée à ses journaux. En tout cas, à l’initiative du Pôle Anti-Corruption et du Bianco, Mbola Rajaonah fait actuellement l’objet de poursuites pénales et diverses mesures bruyantes sont dirigées contre lui : interdiction de sortie du territoire, comparution au Bianco (en compagnie de… Claudine Razaimamonjy), perquisitions abondamment rapportées dans la presse etc. Apparemment, on vise à discréditer le candidat Ravalomanana et à le priver d’un soutien financier.
La Justice a-t-elle un candidat ? Oui semble-t-il. Sinon, elle aurait remis à plus tard (après les deux tours de l’élection) ces poursuites qui n’ont aucun caractère d’urgence. Elle intervient en plein processus électoral pour influencer les électeurs, dans un sens ou dans un autre. On notera qu’après avoir jeté les noms en pâture au public, surtout à la presse, la Justice ne pipe mot même si les présumés fautifs sont privés de la présomption d’innocence et sont traînés dans la boue… Bref, à l’endroit de certains candidats (ou soutiens) qu’elle choisit, la Justice commet un délit qu’on appelle la … maltraitance.
Adelson RAZAFY3