La corruption freine le développement économique et démocratique, et à Madagascar elle
est présente autant dans la sphère politique que dans les services publics. C’est pourquoi,
depuis 2004, le pays s’est engagé dans la lutte contre la corruption en se dotant de plusieurs
institutions comme le Bureau Indépendant Anti-Corruption (BIANCO), le Service de
Renseignement Financier de Madagascar (SAMIFIN), le Comité pour la Sauvegarde de
l’Intégrité (CSI), et le Pôle Anti-Corruption (PAC). Cette chaine d’institutions permet la
réception des dossiers de doléances jusqu’au traitement juridique de la corruption.
Cependant, la corruption ne cesse d’être ressentie par les citoyens, à travers l’inégalité
devant la loi, les versements de pots-de-vin, et la nécessité parfois de payer quelque chose
pour obtenir effectivement des services publics courants. Selon l’Indice de Perception de la
Corruption (IPC) de Transparency International (2018), entre 2012 et 2018, Madagascar perd
7 points (32 à 25), classant le pays du 118e rang au 152e rang sur 180 au niveau mondial.
De fait, on observe d’après la plus récente enquête d’Afrobaromètre à Madagascar que
trois quarts des Malgaches perçoivent une assez grande augmentation de la corruption. Les
plus corrompus sont, d’après la population, les policiers et les gendarmes, mais aussi les juges
et les magistrats.
Cependant, presque 90% des Malgaches pensent que signaler un acte de corruption auprès
du BIANCO a de grandes chances d’être entendu. En revanche, la grande majorité des
citoyens, quels que soient le sexe, le lieu de résidence, l’éducation, le niveau de vie et l’âge,
ont peur de signaler des faits de corruption à cause des risques de représailles ou d’autres
conséquences négatives.
Au lendemain des élections présidentielles, ces résultats sur l’évolution de la corruption au
niveau du pays constituent un outil de prise de décision en matière de réforme et de
priorisation des actions en faveur de la promotion de la bonne gouvernance.
L’enquête Afrobaromètre
Afrobaromètre est un réseau de recherche panafricain et non partisan qui mène des
enquêtes d’opinion publique sur la démocratie, la gouvernance, les conditions
économiques, et les questions connexes en Afrique. Six séries d’enquêtes ont été réalisées
dans 37 pays africains entre 1999 et 2015, et les résultats de la Série 7 (2016/2018) sont
actuellement en cours de dissémination. Afrobaromètre mène des entretiens face-à-face
dans la langue du répondant avec des échantillons représentatifs à l’échelle nationale.
L’équipe Afrobaromètre à Madagascar, dirigée par le cabinet COEF Ressources, a
interviewé 1.200 adultes malgaches en janvier-mars 2018. Un échantillon de cette taille
donne des résultats au niveau du pays avec une marge d’erreur de 3 points de pourcentage
à un niveau de confiance de 95%. Des enquêtes précédentes ont été menées à
Madagascar en 2005, 2008, 2013, et 2014.
Résultats clés
▪ La majorité des Malgaches pensent que les gens sont « souvent » ou « toujours »
inégalement traités devant la loi (56%) et que les officiels qui commettent des crimes
sont « souvent » ou « toujours » impunis.
▪ Selon les Malgaches, les officiels les plus touchés par la corruption sont les policiers et
gendarmes (dont 44% des répondants pensent que « la plupart » ou « tous » sont
corrompus) et les juges et magistrats (39%). Le tiers environ des répondants estiment
que les membres du gouvernement (34%), les officiels de la Présidence (33%), et les
parlementaires (31%) sont aussi impliqués dans des affaires de corruption.
▪ Parmi les citoyens ayant eu des contacts avec la police, 41% déclarent avoir dû
verser un pot-de-vin au moins une fois, pendant l’année écoulée, pour éviter des
difficultés, et 34% pour avoir effectivement une assistance policière.
▪ Trois citoyens sur quatre (76%) affirment que le niveau de corruption à Madagascar a
« un peu » ou « beaucoup » augmenté dans les 12 mois précédant l’enquête.
▪ Une très grande majorité (87%) des Malgaches jugent qu’il est « quelque peu
probable » ou « très probable » de faire réagir le BIANCO s’ils signalent un acte de
corruption.
▪ Mais sept habitants sur 10 (69%) affirment que les citoyens ordinaires signalant des
actes de corruption risquent des représailles ou d’autres conséquences négatives s’ils
en parlent. Les mieux nantis (49%) et les répondants de niveau post-secondaire (56%)
sont les moins inquiets à ce sujet.