AccueilHoucine ARFAA Madagascar, l’évasion d’un...

A Madagascar, l’évasion d’un Français vire à l’affaire d’Etat – Le parisien du 22 janvier 2018

Accusée d’avoir touché 70 000 € pour fermer les yeux sur l’évasion d’Houcine Arfa, un Français incarcéré à Madagascar, la ministre de la Justice de l’île a contre-attaqué ce week-end, dénonçant les propos d’un « affabulateur ».
C’est une évasion dont les contre-coups se font sentir au plus haut niveau de l’Etat malgache. Le 28 décembre dernier, Houcine Arfa parvenait à fuir Madagascar. Ancien conseiller à la sécurité du Président de la République, ce Français avait été condamné en novembre à trois années de prison pour «usurpation d’identité», «tentative d’extorsion» et «association de malfaiteur». Un «dossier vide» ayant abouti à «une procédure inique», dénonçait son avocat, Me Frank Berton.

Il y a tout juste une semaine, Houcine Arfa avait expliqué en exclusivité pour le Parisien qu’il avait versé 70 000 € de pots-de-vin à la ministre de la Justice pour s’échapper de la prison de Tsifahy, où il a purgé six mois d’une détention ponctuée de tortures, accusait-il.

La ministre de la Justice contre-attaque
Elise Alexandrine Rasolo, la ministre de la Justice malgache, a finalement réagi ce week-end à cette mise en cause. Alors que de nombreuses voix s’élèvent pour demander sa démission, elle a choisi de contre-attaquer dans une longue interview diffusée en télé, radio et presse écrite dans les colonnes de l’Express de Madagascar.

D’emblée, elle évoque les périgrinations «d’un quidam quelconque qui débarque dans un pays en développement et affirme avoir une certaine importance.» Problème : Houcine Arfa est tout sauf un «quidam». Recruté directement par le président, il a pris en charge et formé la garde présidentielle, soit 900 hommes des troupes d’élites de l’armée malgache. Ses badges et accréditations à la Présidence attestent ses dires, comme plusieurs photos du président que nous avons pu consulter, qui prouvent la relation d’intimité que dit avoir développé Houcine Arfa avec le premier représentant de l’Etat.

Le Français dit avoir été victime d’un complot ourdi par d’autres conseillers du Président, auquel il aurait fait de l’ombre. «Un affabulateur», rétorque la ministre de la Justice, qui dément toute collusion. «Comment un ministre en exercice pourrait-il rentrer en contact avec un détenu ?, interroge-t-elle. Ni moi ni aucun de mes collaborateurs n’avons jamais permis de faciliter d’aucune manière son évasion.» A la procureur générale d’Antananarivo, Arfa disait avoir versé cette fois 30 000 €. En fin de semaine dernière, celle-ci avait reconnu avoir été approchée pour octroyer une autorisation de sortie sanitaire, moyennant finances. «J’ai dit que je ne pouvais pas faire ça, confiait-elle à RFI. J’ai répondu : mieux vaut que vous alliez demander à la ministre, qui est la première responsable.» (NDLR : de la délivrance de ce type d’autorisation).

«Des manoeuvres politiques»
Dans les faits, plusieurs enquêtes ont été ouvertes côté malgache. Le Bianco, le bureau de luttre anti-corruption, s’est saisi du dossier. Dans le même temps, une enquête interne au ministère a abouti à la mise en détention de trois agents de l’administration pénitentiaire, lesquels ont participé au transfert au cours duquel Houcine Arfa a pu s’échapper. Le fugitif avait alors rejoint Tamatave, à l’Est de l’île, avant de la retraverser en voiture pour semer ses poursuivants, et embarquer sur une pirogue à partir de la côte ouest en direction de Mayotte.

«Je cherche avant tout à éclaircir les circonstances de cette affaire», martèle Elise Alexandrine Rasolo, qui prévient que sa démission est exclue, et fustige, dans son pays, «des manoeuvres politiques» visant à freiner les réformes du système pénitentiaire qu’elle dit avoir initiées. Aux accusations de torture, elle répond que «Madagascar demeure un pays respectueux des droits de l’homme», où tout est fait pour «humaniser la détention.» Les conditions de vie dans les prisons malgaches sont toutefois régulièrement dénoncées par les ONG. Un récent reportage avait montré, au sein d’un établissement, 229 détenus entassés dans une pièce de 35 mètres de long sur quelques uns de large.

La ministre de la justice reconnaît avoir signé l’avis de transfert d’Houcine Arfa de la prison de Tsifahy. Mais pour des raisons de santé, dit-elle, elle avait donné son feu vert à une hospitalisation le 14 décembre. «Pour une seule date», précise-t-elle. Cette autorisation aurait alors été «abusivement exploitée par un médecin-chef pour d’autres sorties ultérieures non autorisées, jusqu’à aboutir à l’évasion.»

Madagascar : un Français s’évade de prison et évoque une affaire d’état

La France n’extrade pas ses nationaux
Depuis, un mandat d’arrêt international a été émis. Une procédure transmise à Interpol, mais qui a peu de chance d’aboutir, la France n’extradant pas ses nationaux. «Je pense que c’est juste une question de temps», assène pourtant la ministre, optimiste.

De son côté, le président de la République, Hery Rajaonarimampianina, s’est exprimé pour la première fois, samedi, sur l’affaire. Il a balayé des «accusations portées par un criminel évadé de prison à l’étranger afin de salir la réputation de l’exécutif». Me Berton, lui, entendait déposer plainte, en France, vraisemblablement pour «séquestration arbitraire.» Il n’excluait pas de se rendre sur place pour l’appel du procès, prévu le 9 février, dont on ignore, au regard du contexte, si l’audience est maintenue.

Nicolas Jacquard

A Madagascar, l’évasion d’un Français vire à l’affaire d’Etat – Le Parisien du 22 janvier 2018

 

- A word from our sponsors -

spot_img

Most Popular

More from Author

- A word from our sponsors -

spot_img

Read Now

Jugements sans motivation : l’affaire Ranarison Tsilavo, un outil de spoliation systémique à Madagascar

En avril 2016, un atelier de renforcement des capacités des acteurs de la chaîne pénale s’est tenu à Tulear, Madagascar. Cet événement, soutenu par le PNUD dans le cadre du projet RED (Renforcement de l’État de droit), avait pour objectif d’améliorer le fonctionnement de la chaîne pénale...

Condamnation sans motivation : une erreur judiciaire au profit de Ranarison Tsilavo

Le jugement rendu par le Tribunal correctionnel d’Antananarivo le 15 décembre 2015, sous la présidence de Mme RAMBELO Volatsinana, est devenu un symbole des pratiques judiciaires controversées à Madagascar. Solo, gérant de CONNECTIC et détenteur de 80 % des parts de la société, a été condamné à...

Une justice contestée : le cas Ranarison Tsilavo et l’absence de motivation des jugements malgaches

L’affaire impliquant Ranarison Tsilavo et Solo révèle des carences profondes du système judiciaire à Madagascar. En décembre 2015, Solo a été condamné à deux ans de prison avec sursis et au paiement de 428.492 euros d’intérêts civils (soit 1,5 milliard d’ariary) au profit de Ranarison Tsilavo, simple...

La complicité suspectée de Razananirina Bruno, commissaire aux comptes de CONNECTIC : un silence inexplicable depuis 2015

Depuis décembre 2015, le commissaire aux comptes de la société CONNECTIC, Razananirina Bruno, ancien président de l'Ordre des Experts Comptables et Financiers de Madagascar (OECFM) et ex-Président du Conseil d'Administration de l'INSCAE, reste silencieux face à une demande cruciale : confirmer que le rapport de commissaire aux...

Ranarison Tsilavo NEXTHOPE : Des plaintes pour diffamation contre Solo rejetées par la justice française

Ranarison Tsilavo, CEO de CONNECTIC et plaignant dans plusieurs affaires judiciaires, a déposé de multiples plaintes pour diffamation en France, notamment au TGI d’Évry et au Tribunal Judiciaire de Paris. Dans la société, Solo, qui détient 80 % des parts, est gérant tandis que Ranarison Tsilavo, propriétaire...

Pourquoi l’avocat de Solo n’a-t-il pas contesté l’attribution des intérêts civils à Ranarison Tsilavo, simple associé dans Connectic ?

Dans le cadre de l’affaire opposant Solo à Ranarison Tsilavo, une question légitime se pose : pourquoi l’avocat de Solo n’a-t-il pas soulevé le problème de l’attribution des intérêts civils à Ranarison Tsilavo, un simple associé dans Connectic, alors que la loi est claire sur ce point...

Ranarison Tsilavo et CONNECTIC : L’irrecevabilité de l’action individuelle selon la loi malgache

Dans l’affaire opposant la société CONNECTIC à Ranarison Tsilavo, la distinction juridique entre action individuelle et action sociale est au cœur des débats. La loi 2003-036 sur les sociétés commerciales à Madagascar, en particulier son article 181, clarifie les conditions dans lesquelles un associé peut intenter une...

Diffamation ou Vérité ? L’Énigme des Intérêts Civils Attribués à Ranarison Tsilavo

Dans une affaire marquée par de nombreuses interrogations juridiques, Ranarison Tsilavo Nexthope a obtenu des intérêts civils dans un dossier d’abus de biens sociaux supposé, au détriment de Solo. Cette décision pose problème, d’autant plus que les lois malgaches, alignées sur les principes juridiques français et enseignées...

Dire la vérité n’est pas diffamer : Une explication pédagogique sur l’affaire Ranarison Tsilavo NEXTHOPE contre Solo

La diffamation est souvent invoquée pour faire taire ceux qui présentent des faits. Pourtant, expliquer une affaire avec des éléments vérifiés et accessibles à tous, ce n’est pas diffamer. C’est au contraire un devoir de transparence. Dans le cadre de l’affaire opposant Ranarison Tsilavo Nexthope à Solo,...

Pourquoi les Magistrats Ont-ils Accepté les Explications de Ranarison Tsilavo sur les 76 Ordres de Virement Signés à Blanc entre 2009 et 2012 ?

Dans une affaire qui soulève de nombreuses interrogations, Ranarison Tsilavo a affirmé avoir signé 76 ordres de virement à blanc entre 2009 et 2012, sans en connaître le contenu. Pourtant, ces virements, d’un montant total de 1 047 060 euros, ont été validés sans réserve par les...

Ranarison Tsilavo Affirme Avoir Été Contraint de Signer des Ordres de Virement à Blanc (2009-2012) : Une Décision Controversée

Dans l’affaire qui oppose Ranarison Tsilavo à Solo, une condamnation choquante par les juridictions malgaches a mis en lumière des failles profondes du système judiciaire. Ranarison affirme avoir signé des ordres de virement à blanc, c’est-à-dire sans en connaître le contenu. Pourtant, cette déclaration est largement contredite...

Les 76 Virements Validés par Ranarison Tsilavo : Une Contradiction Inquiétante

L'affaire liant Ranarison Tsilavo à son ancien collaborateur Solo expose une situation judiciaire complexe et controversée. Au cœur du litige : 76 virements bancaires représentant un total de 1 047 060 euros, tous approuvés par Ranarison Tsilavo avant d'être contestés par ce dernier. Ces accusations soulèvent des...