Un étudiant en droit achève un vieil auteur de larcin dans le campus de l’université de Fianarantsoa avec un moellon. Un spectacle suivi par plusieurs étudiants et badauds stoïques , cruels et passifs. Visiblement, l’étudiant criminel, contre lequel un avis de recherche a été lancé par la police plusieurs jours après le meurtre, s’est fourvoyé. Comment un tel bourreau aurait-il envisagé une carrière d’homme de loi ? Sans attendre de devenir avocat ou magistrat, il s’est adonné à la vindicte populaire au lieu de montrer l’exemple à tous les spectateurs qui sont autant coupables que lui. Personne n’a levé le petit doigt pour empêcher cette exécution digne du Moyen Âge.
On a beau décrier la charia, on n’en est pas loin voire pire. La charia passe par des sanctions exemplaires pour punir le coupable mais ne l’exécute pas. Une oreille, une main ou une autre partie du corps qu’on sectionne pour qu’on ne récidive pas. Et c’est une loi contraire à la Justice populaire qui ne devrait pas avoir cours dans une République régie par une Constitution.
Mais loi ou pas, Constitution ou pas, dix commandements ou pas, ne pas avoir le droit de tuer devrait être tout simplement une notion élémentaire à un stade où l’évolution de l’homo sapiens l’a éloigné de la barbarie. Justement, le mauvais usage de la démocratie dans les pays pauvres crée des dérives de comportement et des réactions violentes. Quand la démocratie ne sert que l’intérêt des dirigeants et une petite partie de la population et est totalement inapplicable à la majeure partie de la société, analphabète et illettrée, il faut s’attendre à des attitudes qui rappellent que des étapes ont été brûlées dans l’évolution sociale.
La justice populaire est propre à une population pauvre et inculte qu’on oblige à se soumettre aux règles et principes modernes alors que son évolution se situe à l’époque de l’homme de Cro-Magnon. Quand on y ajoute la corruption qui mine tout l’appareil judiciaire aussi bien les juges que les forces de l’ordre, toutes les conditions sont réunies pour l’explosion de la vindicte populaire. Pire, les fratricides et les parricides deviennent des banalités sociales.
La barbarie se trouve des deux côtés. À la cruauté sans bornes des bandits est opposée une atrocité sans limites des
« justiciers ». Entre les deux, la défaillance de l’État dans la réactivité, dans l’intervention, dans la répression, dans la fermeté envenime la situation. Le décapiteur d’Antalaha a pu échapper à la police pendant plusieurs mois avant d’être arrêté alors que la scène se passait devant les forces de l’ordre. Fallait-il attendre que celui qui a été décapité porte plainte pour enclencher les procédures comme on a l’habitude d’entendre face à un flagrant délit de meurtre ou de vol?
Un avis de recherche a été lancé contre le futur homme de loi de Fianarantsoa, également originaire d’Antalaha, qui a, bien évidemment, disparu des radars alors qu’on aurait pu l’arrêter sur le champ. Pourquoi a-t-il fallu demander la franchise universitaire pour intervenir alors qu’on peut bien s’en passer pour mater les grèves des étudiants ?
À Mananjary, il n’y eut ni enquête ni arrestation lors de la mise à mort d’une dame accusée d’avoir profané des sites sacrés. Une vie ressemble à une autre et un meurtre reste un meurtre quelle que soit la raison. On se demande bien si on est un État de droit ou un État maladroit ?
Par Sylvain Ranjalahy
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