Alors que ma culture m’incite à garder le silence et à rester dans l’ombre. Alors que mon éducation et celle de plusieurs générations avant moi bannissent l’utilisation du « Je ». J’aurais dû me taire et laisser faire.
Mais quand chaque journée apporte son lot de brimades et de persécutions dès lors qu’on essaie d’élever le débat. Quand chaque jour constate la volonté d’imposer la pensée unique.
« Mon devoir est de parler, je ne veux pas être complice » E. Zola
Le contrôle du ministère du Commerce de trop qui arrive après la demi-douzaine de contrôles fiscaux annuels. Le contrôle qui utilise des prétextes fallacieux pour essayer de soutirer des prébendes indues. Ou encore mieux, qui va servir à mettre la pression. L’utilisation de prétextes grotesques qui font exploser de rire si ce n’est que le risque financier peut signer l’arrêt de mort d’une exploitation. Qui en supportera les conséquences ? Les collaborateurs qui perdront leur emploi, mais d’abord un pouvoir politique qui utilise la machine administrative à des fins peu recommandables et dont la manœuvre est éventée.
Combien sommes-nous à subir ces contrôles incessants qui monopolisent nos collaborateurs ? Chaque opérateur a sa petite histoire sur le sujet. Et tous savent combien de conteneurs passent les douanes chaque mois avec la bénédiction suprême. Tous savent qui n’est jamais contrôlé et qui ne déclare jamais rien. C’en est assez …
Étant président du Conseil d’administration de TOA (Trans Ocean Airways), je suis bien placé pour savoir que l’avion qui devait transporter le Président Rajoelina à Majunga n’avait aucun problème technique, mais que c’est la « petite » politique mesquine qui l’a cloué au sol. Que la fois d’après, l’autorisation de voler n’est arrivée qu’au milieu de la nuit pour un vol qui devait l’emmener à Manakara au petit matin. Mais je constate que certains hélicoptères, eux, peuvent être importés et auront le droit de voler quand bon leur semble. Pourquoi ne pas laisser chacun se donner les moyens de convaincre et vaincre à la loyale ?
Le patron de presse que je suis a subi, comme tous mes confrères, les foudres de l’administration fiscale. Sûrement à titre d’avertissement à l’aube d’une période politiquement mouvementée. Les médias sont publiquement et régulièrement menacés d’amende, de fermeture ou d’emprisonnement. Parce qu’ils ne partagent pas les mêmes choix éditoriaux que le ministre de tutelle ? D’autres, eux, ne se gênent pas pour diffamer et insulter à longueur de colonnes, sûrement parce qu’ils n’ont pas grand monde pour les lire.
Plus de quatre mois après l’enlèvement de mon fils et après le dépôt des plaintes, je n’ai pas vu l’ombre d’un gendarme ou d’un policier pour assurer la protection de ma famille. Malgré mes demandes répétées et les promesses creuses d’un ministre. Tout le monde sait le risque de représailles sur ma famille, que j’ai pris en menant ce combat contre le kidnapping. C’est une insulte de traiter les victimes karana de coupables parce qu’elles n’ont pas osé prendre le risque de porter plainte quand on ne prend pas la peine d’assurer leur sécurité. C’est une insulte pour toutes les victimes dans tout le pays, surtout dans les campagnes.
Quand le ministre des transports exige à ce que je vienne personnellement prendre l’autorisation qui permettra de fumer mes vitres pour assurer ma sécurité sinon il la refusera, c’est transformer le droit de chaque citoyen en faveur. À quel prix ou quelle compromission ? C’est la politique de la terreur qu’on veut imposer à ceux qui ne veulent pas se soumettre.
Est-ce ma participation au lancement de l’Initiative pour l’Emergence de Madagascar (IEM) à Paris qui gêne ? On ne peut donc pas avoir une démarche qui s’inscrit dans une volonté d’avoir un vrai débat ? Un état des lieux de la situation dans laquelle on se trouve, une réflexion sur l’avenir. Sur quel socle reposera le développement à venir, quels sont les principes de gouvernance qu’il faudra s’imposer ? Tous les candidats devront répondre à ces questions pour que le public, les citoyens et les opérateurs puissent se positionner librement. Museler le débat et ne brandir que la menace reviennent à bafouer les droits fondamentaux qui nous appartiennent.
Les opérateurs commencent à se regrouper pour exprimer leur ras-le-bol et réclamer le droit de travailler sereinement. Les citoyens exigent le droit de s’exprimer. Ils ne veulent plus subir le harcèlement administratif ou politique. En toute liberté et sans craindre pour leur sécurité. En tenant de tels propos, je n’ignore pas que je me mets sous le joug d’un Code de la Communication répressif habilement remanié qui réprime le droit fondamental à pouvoir s’exprimer. Il est certain que je m’expose.
J’en arrive hélas à la conclusion que le harcèlement n’est pas fortuit. S’il arrivait encore quelque chose à ma famille ou à moi-même, je saurais pourquoi et par qui. L’opinion publique également …
Naina Andriantsitohaina
Citoyen, entrepreneur et patron de presse