Quel arrêt la Haute Cour Constitutionnelle rendra-t-elle à propos de la requête en déchéance déposée par les soixante-treize députés de l’opposition ? Une fois de plus la HCC doit jouer les funambules pour ménager la chèvre et le chou pour ne pas allumer le feu dans un contexte très tendu.
Pour les manifestants du parvis de l’Hôtel de ville, la cause est déjà entendue. La HCC ne devra rendre un verdict autre que celui qu’ils réclament à cor et à cri depuis le début de la manifestation, en l’occurrence, la déchéance du président de la République. Ils ont déjà obtenu le toilettage des lois électorales et ne comptent pas s’arrêter en si bon chemin. Ils mettent tous les moyens pour influencer la décision de la HCC. Des avertissements, voire des menaces, sont clairement lancés quotidiennement dans les discours sur le parvis de l’hôtel de ville à l’endroit des juges constitutionnels. Des magistrats, dont l’intégrité n’est pas le fort, s’évertuent à se mette à la place des juges de la HCC pour conclure que la déchéance est le seul et unique verdict qui doit être prononcé. On comprend mieux pourquoi la Justice marche sur la tête quand on voit le comportement de ces juges, qui, de par leur déontologie, sont tenus a priori par le devoir de réserve à l’image des officiers dans ce genre de situation. Que peut-on encore espérer des juges et de la Justice quand des magistrats affichent ostensiblement leur tendance politique et influencent leurs homologues d’une haute juridiction ? Mais il ne peut en être autrement quand la notion de liberté d’expression est conjuguée à tous les temps, mangée à toutes les sauces. Le parvis a jugé l’affaire avant l’audience. Ce qui n’est guère étonnant quand on sait que la HCC avait été contrainte de transférer le pouvoir à Andry Rajoelina après la démission de Marc Ravalomanana en 2009 et qu’elle avait intronisé ce dernier en 2002 malgré l’accord de Dakar. On a donc un aperçu de ce que sera la HCC et la Justice après Rajaonarimampianina.
Il faudra donc beaucoup de courage et de doigté à la HCC pour trancher cette affaire. Les députés du parvis mettent déjà en garde que la HCC ne doit pas les pousser à sortie du cadre constitutionnel en sortant un arrêt qui ne correspond pas à celui qui a été convenu, qui répond à l’aspiration populaire. La HCC sera alors totalement responsable de tout ce qui pourrait arriver par la suite. Aujourd’hui, les manifestants comptent faire un sit-in devant le siège de la HCC à Ambohidahy pour faire monter davantage la pression. C’est dans ces conditions délétères et tendues, semblables à la justice populaire, que la HCC devra rendre son arrêt. Il manquera donc aux juges constitutionnels la sérénité nécessaire, la sécurité indispensable, la tranquillité d’esprit pour trancher sur une affaire d’importance capitale.
Quand la HCC avait sorti l’arrêt sur les lois électorales qui arrangent l’opposition, l’Etat n’a pas contesté malgré le fait que la Cour a dépassé ses attributions, devenant législateur, et ne se contentant pas de juger la constitutionnalité des lois. Maintenant, elle est attendue au tournant sur l’arrêt d’une affaire qu’elle avait déjà jugée en 2015. Il est difficile d’être objectif et impartial quand on est à la fois juge et parvis. C’est le cas de le dire.