Dotés par la Constitution de pouvoirs très précis, principalement la vérification de la conformité à la Constitution des textes législatifs et réglementaires ainsi que les contentieux des élections, la HCC, dans sa décision du 25 mai dernier, s’est arrogé des pouvoirs qui ne sont pas ceux qui lui ont été confiés par la Constitution. Alors, va-t-on vers un prononciamento constitutionnel ?
Pour ne parler que de l’essentiel de la décision de la HCC du 25 mai :
1-Elle rejoint le Président de la République de démettre son Premier ministre et de le remplacer par un « Premier Ministre de consensus ». Malheureusement, la HCC se fourvoie : l’article 54 dispose qu’il « est mis fin aux fonctions du Premier ministre, soit en cas de faute grave ou de défaillance manifeste ». Ce qui n’est pas le cas en l’occurrence ! C’est ballot ! La HCC a, par ailleurs, oublié que seul le Président de la République est Maître des horloges et surtout seul juge pour envisager une telle opportunité ! Que chacun reste à sa place !
2-La HCC dicte ensuite, de façon particulièrement cavalière, un agenda « de sortie de crise » au Chef de l’Etat :dix jours pour trouver une issue consensuelle, sept jours pour nommer un nouveau Premier Ministre « de consensus », puis sept jours supplémentaires pour nommer un gouvernement… et puis quoi encore ?! La République des juges n’est pas la démocratie ! Que chacun reste à sa place !
3-La HCC pénétré également dans le pré carré de la Commission électorale ‘CENI) en lui « expliquant » comment travailler avec le « Gouvernement de consensus pour organiser « des élections anticipées » ! Mais de quoi je me mêle ?! La CENI, institution respectée par tous, connaît son rôle, elle ! Que chacun reste à sa place !
Il y aurait encore tant à dire !
Mais, puisque par courtoisie, la HCC veut donner des leçons à tout le monde, le Président de la République, par une demande d’avis du 30 mai dernier, lui a demandé des précisions sur cette étrange décision du 25 mai dernier (qui, rappelons-le, n’est pas susceptibles de recours), « afin d’éviter toute fausse interprétation ». Dans sa réponse au Chef de l’Etat, la HCC devra naturellement indiquer très précisément à quels articles de la Constitution ses « décisions » du 25 mai dernier se rapportent.
Au départ, j’ai voulu intituler cet article : « La HCC, flic ou voyou ? » mais je m’abstiendrais… on me le reprocherait ! Soyons fair play, demandons seulement aux juges constitutionnels d’éclairer les citoyens de façon simple, pédagogique et claire sur ses intrusions tous azimuts. Notre démocratie, encore fragile, ne s’en portera que mieux.
Les pièges tendus par la HCC (dans quels buts et pour quels « bénéfices » ?!!!) doivent être déjoués. Notre pays ne peut pas retomber dans l’ornière d’une crise économique ni vivre un nouveau Coup d’Etat constitutionnel !
Nous devons aller de manière apaisée vers des élections présidentielles démocratiques, transparentes et inclusives, comme cela a été le cas en 2013, lors de l’élection du Président Hery Rajaonarimampianina.
par Patrick Rajoelina, Membre du Comité consultatif constitutionnel ; Corédacteur de la Constitution de Madagascar