Dans la nuit du vendredi 19 au samedi 20 octobre, l’homme d’affaires Stéphane Laurin, 51 ans, a été froidement assassiné par un des cambrioleurs qui entraient chez lui, à Ankadikely Ilafy, une commune rurale à une quinzaine kilomètres d’Antananarivo, la capitale malgache. Le Français, qui vivait dans la Grande Ile depuis vingt-sept ans, était directeur de l’entreprise textile Festival, installée dans une zone franche où se concentrent les investisseurs étrangers désireux de bénéficier des avantages fiscaux proposés par Madagascar.
D’après la gendarmerie, cinq hommes se sont introduits dans l’enceinte de la villa en enlevant les briques du mur de clôture. Lorsqu’ils ont fracturé la porte d’entrée, Stéphane Laurin s’est levé, alerté par le bruit. Un des cambrioleurs l’a tué d’une balle dans la tête au moment où il ouvrait la fenêtre. Le reste de la famille a été tenu en joue pendant que la maison était mise à sac. Les voleurs se sont enfuis avec l’ordinateur, le téléphone portable du défunt et 2 millions d’ariary (près de 500 euros).
Le butin, qui peut paraître dérisoire vu de France, reste une petite fortune dans ce pays qui compte parmi les plus pauvres de la planète. A Madagascar, plus de 75 % de la population vit avec moins de 2 euros par jour, selon la Banque mondiale.
A la nuit tombée, Tana change de visage
« J’ai connu M. Laurin il y a trois mois, alors que nous visitions ensemble le port de Tamatave [Toamasina], qui avait des problèmes d’engorgement, se souvient Fredy Rajaonera, le président du Syndicat des industries de Madagascar. C’était un entrepreneur dynamique, très impliqué dans la société malgache. Hélas, le climat ambiant d’insécurité joue sur celui des affaires. Les ouvriers sont angoissés, ils rentrent tôt chez eux parce qu’ils ont peur qu’il leur arrive quelque chose. La productivité en pâtit. On se dit tous que ça pourrait nous arriver. »
« Nous contribuons activement au développement de Madagascar par une participation fiscale non négligeable, mais ça ne peut pas continuer dans un environnement d’insécurité et d’instabilité, indiquait précédemment M. Rajaonera dans la presse locale. Il faut qu’on nous donne cet environnement de sécurité et de stabilité pour pouvoir booster l’économie. » Alors que le premier tour de l’élection présidentielle est prévu le 7 novembre, cet appel sera-t-il entendu par le prochain gouvernement ?
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L’insécurité à Madagascar est persistante. Dans la capitale, dès que la nuit tombe, les rues se vident et « Tana » change de visage. De bruyante et embouteillée, la capitale devient presque fantomatique. Les rares lumières émanent des gargotes où l’on peut se restaurer. La ville est traversée par de longs escaliers assez étroits, qui font office de raccourcis entre les quartiers. Faute d’éclairage public, il est fortement déconseillé de se déplacerautrement qu’en taxi. Des agents de sécurité privée patrouillent dans le centre-ville et se proposent de ramener les riches couche-tard à leurs hôtels, qu’ils soient « vazaha » (étrangers) ou malgaches.
« Moi, ma règle, c’est de ne jamais voyager de nuit, confie Stéphane, un touriste français. Je ne me suis jamais senti en danger à Madagascar, sauf la nuit. Surtout pendant les longs voyages en taxi-brousse. De toute façon, c’est la recommandation numéro un de tous les forums de voyage. »L’insécurité est l’affaire de tous. « Sur l’avenue de l’Indépendance, deux hommes ont coupé la lanière de mon sac alors que je portais mon fils dans les bras, raconte Zina, hôtelière. Heureusement, je n’avais pas beaucoup d’argent. »
Une embuscade contre des footballeurs
Le 16 octobre au soir, l’équipe nationale de football, qui venait de se qualifierpour la phase finale de la Coupe d’Afrique des nations 2019 en battant la Guinée équatoriale, est tombée dans une embuscade à proximité du stade de Vontovorona. Des étudiants de l’Ecole supérieure polytechnique avaient barré la route. Ils protestaient contre une coupure d’électricité qui durait depuis trois jours. Ils ont réclamé de l’argent aux joueurs et ont jeté des pierres sur leur véhicule.
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Dans un contexte de pauvreté extrême, les actes de banditisme peuvent aussi relever du ras-le-bol de la population. Ce que les footballeurs ont bien compris : sortis indemnes de cet événement, ils ont annoncé dans un communiqué qu’ils allaient, par solidarité, reverser l’intégralité de leurs primes de match contre la Guinée équatoriale aux étudiants.
Sur les cinq dernières années, selon les statistiques de la gendarmerie nationale, 4 000 personnes ont été tuées à Madagascar, victimes du banditisme.