Tous les observateurs et analystes sensés sont unanimes pour affirmer comme notre confrère Jean Riana que si ce pays est «à la dérive» c’est parce que les politiciens «ne pensent qu’à leurs propres avantages et non au bien du pays.» Dans d’autres pays, les responsables politiques ne sont guère des modèles, mais pour ce qui nous concerne quand le système judiciaire en général est malade d’un déficit chronique d’intégrité mondialement reconnu, on est tous obligés de se résigner à en subir les conséquences dans les cours des tribunaux et jusque dans les décisions anticonstitutionnelles qui régissent la vie nationale. Avec cette récente élection présidentielle qui fait tant râler les citoyens en âge de voter, mais qui sont conscients d’être réduits à supporter les retombées des erreurs d’une commission nationale qui «n’étaient pas délibérées mais inévitables», mais hautement préjudiciables sur le plan des droits civiques, tout le pays va au devant d’une crise majeure inévitable également. Vue de l’étranger par le journal Le Monde, la situation se présente comme suit : «Les résultats provisoires du premier tour de l’élection présidentielle à Madagascar sont contestés par l’ensemble des candidats, dont certains ont déposé une requête en annulation devant la Haute Cour constitutionnelle (HCC). (…) L’ampleur des critiques est telle que le quotidien se pose la question de savoir « Cette crise peut-elle dégénérer dans la rue, comme Madagascar en a fait à plusieurs reprises l’expérience par le passé ? »
L’un comme l’autre, les deux rivaux qui prétendent chacun gagner cette course à la présidence se démènent comme de beaux diables pour faire pression auprès des juges d’Ambohidahy. Les uns mobilisent des foules spontanément ou en les motivant en toute discrétion pour faire le siège de la Haute Cour Constitutionnelle. Les habitants sont actuellement complètement divisés par les ambitions de ces prétentieux qui ne rêvent que devenir le locataire omnipotent de ce prestigieux palais présidentiel d’Iavoloha avec tous les honneurs, les privilèges et les pouvoirs qui vont avec. On est alors bien obligé de reconnaître que Madagascar est bel et bien à la merci des « forces plus rapides, mieux financées et plus douées à communiquer avec le public(…) mais pas nécessairement honnêtes » comme l’avouent des membres d’une institution qui était justement créée pour épargner le peuple malgache de l’oppression des « grands fabricants et même trafiquants de lois sur mesure pour avoir toujours raison » vilipendés par notre Jeannot Ramambazafy national. Une fois de plus, ce pourfendeur de cet « establishment » hégémonique a vu juste avec son ironie acerbe « Oui, Mesdames et Messieurs, vous êtes bien à Madagascar, la Grande Île de tous les impossibles rendus possibles par des créatures nommées au gré des promesses, compromis et compromissions plus ou moins politiques mais grassement rémunérés.»
Cette fois-ci, la cour d’Ambohidahy sera chargée de faire sortir du chapeau de Jean Eric Rakotoarisoa (pas au hasard, mais conformément au verdict légitime des urnes), le nom d’un président élu au premier tour. Parce que débarrassé de celui qui l’a fait prince par la force des choses des évènements du mois d’avril dernier, il n’a plus de compte rendre à qui que ce soit… La plus haute institution électorale n’aura d’autre choix que de : «dire la vérité ou rien de la vérité ». Dans l’un ou l’autre cas de figure, aux yeux du reste du monde, le constat avancé par Sahondra Rabenarivo reste valable quand elle affirme que «le schéma de 2009 est exclu puisque, selon elle, les rangs des forces armées sont trop dispersés politiquement. » Scénario avalisé par le général Béni Xavier Rasolofonirina, joint par téléphone par Laure Verneau correspondante du quotidien parisien en reportage dans la capitale malgache. Le ministre de la défense confirme
« L’histoire a montré que la voie extraconstitutionnelle n’apportait que des sanctions ; ça n’apportera rien au pays. Nous ne voulons plus de chaos. Nous attendons les résultats officiels de la HCC et nous aviserons sur la marche à suivre.» Pour sa part à propos des évolutions possibles de la situation, Andry Rajoelina reste optimiste même s’il ne cache pas sa méfiance au micro des médias «La seule idée avec laquelle je suis d’accord est que je suis en tête. Mais je ne suis pas d’accord avec les chiffres”, a encore dit Andry Rajoelina, sans avancer les chiffres dont il disposait.» Il a toujours affiché beaucoup d’assurance quant à sa chance de sortir vainqueur par rapport à un Marc Ravalomanana sérieusement handicapé par un passé pas du tout flatteur et les mauvais souvenirs des pratiques financières malsaines et illégales comme cette sulfureuse affaire du « hold-up des 60 milliards de la Banque Centrale de Manakara » lors de sa présidence extraconstitutionnelle cruelle et dictatoriale en 2002. Pour ce qui concerne ces rumeurs de poursuites judiciaires destinés à salir le candidat le mieux placé pour gagner, c’est plutôt Marc Ravalomanana qu’on devrait traîner devant un tribunal pour les multiples délits économiques, crimes contre l’humanité et de génocide qu’il avait commandité en 2002 pour exterminer les partisans de l’Amiral Didier Ratsiraka. Même en cas de ballotage peu probable, ce n’est pas les rapprochements de dernière heure avec tous les recalés du premier tour avec un pareil criminel qui pourraient modifier le rapport de force au profit de cet homme d’affaires qui n’a jamais eu bonne réputation. Même avec le calcul vicieux inavoué et inavouable de ses désistements de dernière heure auprès de la HCC. La seule grande inconnue sera l’éventualité de l’annulation de cette élection viciée depuis les préparatifs jusqu’à la publication des résultats provisoires.