Un dicton français assure : « Jamais deux sans trois », après Eddy Maminirina, le 12 février 2019, et Mbola Rajaonah, le 13 février 2019, à qui le tour avant la fin du mois ? Sous la Rome antique, il y avait l’expression Panem et circenses (littéralement « pain et jeux du cirque », souvent traduite par « du pain et des jeux »). Elle évoquait le profond mépris de Juvénal s’adressant au peuple romain qui n’avait plus d’autres ambitions que de se voir offrir du pain et des spectacles par leur empereur. J’y reviendrai plus loin.
A l’entrée de sa prise de pouvoir, il apparaît que certains faits assez révélateurs d’une mainmise en règle de l’appareil d’Etat par des esprits revanchards, échappent au président élu par le peuple, Andry Rajoelina. A ma connaissance, ce n’est pas dans sa personnalité que de faire les choses de manière aussi « m’as-tu vu » que les arrestations spectaculaires (dans tous les sens du terme) du « roi Eddy » et de « Mbola Tafaray ». Et c’est cela qui m’interpelle, au-delà de toutes sortes d’interprétations qui ne vont pas manquer de meubler l’esprit de certains « vainqueurs » d’aujourd’hui. Mais vainqueurs de quoi, étant donné que le pouvoir appartient au peuple qui a le droit de savoir ce qu’on lui cache derrière ces mauvaises séquences indignes des gladiateurs du cirque romain ? Voie publique, éléments des forces de l’ordre encagoulés et lourdement armés, sans aucun mandat en main. Pour attirer les feux des projecteurs sur soi, et faire oublier les vrais dossiers socio-économiques plus prioritaires du moment, il n’y a pas mieux.
Notre consœur Laure Verneau reprend, en sous-titre, le terme « Excès de zèle » de la directrice de Transparency International Madagascar, Ketakandriana Rafitoson, dans son article paru le 14 janvier 2019 dans le journal « Le Monde » qui va plus loin avec le titre : « A Madagascar, le nouveau président arrête des proches de l’ancien président ». Le voilà prévenu ! Toutes les (mauvaises) actions entreprises par des esprits aussi zélés que zélateurs de son entourage, lui seront directement attribuées. A travers ces arrestations spectaculairement louches des revanchards, il vous faut, à présent, savoir lire entre les lignes. Penchons-nous alors sur Eddy Maminirina et Mbola Rajaonah.
Eddy Maminirina
Son nom figurait dans une liste remise par le Premier ministre, également Président du « Comité de Pilotage Bois Précieux », Omer Beriziky, au nouveau président Hery Rajaonarimampianina, le 8 avril 2014 sur la référence N°054-14-MEF. Oui, il y a cinq ans ! Ce nouveau président de la république élu, n’avait-il pas déclaré orbi et urbi, le 5 février 2014, lors de son premier conseil des ministres, qu’il allait « diriger personnellement ce combat contre les trafics de bois de rose » ? Mon œil… Mais il y avait d’autres (pré)noms révélés par Omer Beriziky. Comme, Roger Roger Thunam (ou Thu-Nam), dénommé le « baron du bois de rose malgache », intouchable jusqu’ici.
En 2010, ce nom avait maintes fois été cité dans le rapport très consistant intitulé «Bois de rose de Madagascar : entre démocratie et protection de la nature », rédigé par Herizo Randriamalala et Zhou Liu de Madagascar Conservation & Development. En 2012, Alexander Von Bismarck, de l’EIA (Energy Information Administration), était parvenu à rencontrer et filmer le baron Roger… Y-a-t-il des « bons » et des « mauvais » opérateurs de bois de rose ? Voici d’autres noms révélés par le rapport :
Anona Etienne, Bekasy Johnfrince, Bematana Martin, Betsiaroana Jean Galbert, Bezokiny Christian Claude, Body Thierry, Chan Hoy Lane Kara, Désiré, Guerra William, Laisoa Jean-Pierre, Malohely Jean-Michel, Mbotifeno Sao Kune Edith, Ndahiny Grégoire, Patricia Soa, Rakotoarivony Nosiarivony, Soa Elia Rolaine, Totobe Eric, Ranjanoro Jeannot (tous à Antalaha), Superwood S.AR.L (Antananarivo), Rasoanirina Joséphine (Sambava), Ramialison Arland (Antalaha et Toamasina), Sam Som Miock Eugène (Toamasina).
Il est indéniable qu’il existait des maillons faibles et corruptibles au sein même de ceux qui avaient reçu l’ordre de combattre ce fléau, depuis la publication du décret 2010-141 du 24 mars 2010 (portant interdiction de coupe, d’exploitation et d’exportation de bois de rose et de bois d’ébène à Madagascar), sous la Transition dirigée par Andry Rajoelina. Avec comme co-signataire, Hery Rajaonarimampianina en tant que ministre des Finances et du Budget. Déjà donc, beaucoup de faits échappaient au président de la Transition…
Pour en revenir à Eddy Maminirina, il avait réussi à quitter le pays en septembre 2017 alors qu’il était sous le coup d’un mandat d’arrêt et d’un avis de recherche. Avec l’arrivée au pouvoir d’Andry Rajoelina, il est revenu, croyant au pardon bien malgache lié au « miracle » du retournement de veste politique. Mais ce n’était tout de même pas une raison pour procéder à son arrestation d’une manière qui tend à prouver qu’elle détourne surtout l’attention de l’opinion publique sur des choses plus importantes, proches de la réalité vraie et vécue. Genre : pourquoi les coupures « flash » dévastatrices ont-elles fait place aux délestages longue durée ?
Mbola Joseph Rajaonah : Sous le coup d’une enquête du Bianco depuis 2017, le cas de cet opérateur économique œuvrant surtout à Toamasina, (me) rend assez perplexe étant donné qu’ayant les moyens de le faire, il n’a jamais songé à quitter le pays, entre deux IST (Interdiction de sortie du territoire). Insouciance de la jeunesse ? Assurance de ne pas être inquiété n’ayant rien à se reprocher ? Le comble aussi est que dans certains quartiers de la Capitale, comme Ampandrana et Antaninarenina, il est considéré comme un bienfaiteur. Même réputation dans le milieu du basket-ball et de la jeunesse universitaire. Alors ? Un dicton dit : quand on veut abattre son chien, on l’accuse de la rage. Certes, il évolue dans un milieu de requins et n’est donc pas un ange, cela c’est certain. Mais il importe que, vous, amis lecteurs, sachiez une chose : Mbola Tafaray, du nom de l’agence de transit que son père lui a légué, était déjà connu durant le régime de transition. Avec d’autres personnalités de l’époque, il formait une équipe considérée comme solide. Des noms, Jeannot, on veut des noms ! Vous allez tomber des nues alors ! Et certains vont se moucher. Œuvrant main dans la main (sur quoi, je ne sais pas) avec Mbola Rajaonah, il y avait : Hery Rajaonarimampianina (ministre des Finances), Haja Resampa (Sgp), Mamy Ravatomanga (opérateur économique), Mamy Ratovomalala (ministre des Mines et des Hydrocarbures), Narson Rafidimanana (opérateur économique), Pinou Sheraly (Société Soreva), Shemir Soundardjee (Hôtel Calypso), Leong (Bâtiments et Travaux publics), Andriamampianina (Eucalyptus à Ampefy), Kiki Rakotovao (Président de l’entité GFFM – Gideona Fandresena ny Fahantrana eto Madagasikara).
Parmi ces personnes-là, logées donc à la même enseigne, un seul, pourtant, avait -a encore- un accès direct au président. En clair, il bloquait toutes relations des autres qui entendaient s’entretenir avec le chef d’Etat. A partir de 2014, que sont devenues toutes ces personnes et pourquoi seul Mbola Rajaonah a-t-il fait l’objet de campagnes de dénigrement systématique, mais aucun des autres ? Sur le coup, personne ne s’est étonné car ne sachant pas l’existence de cette belle équipe. Ce genre de « mystère » m’intéresse toujours au plus haut point, surtout sachant ce que sont devenus les uns et les autres. Si bien qu’à un moment, j’ai eu l’occasion d’avoir un contact direct avec Mbola Rajaonah (après avoir lancé un appel via radio Viva lors d’une émission, le 15 novembre 2018). Mais pas assez de temps donc, pour l’interviewer sans faire de cinéma, pour savoir qui, exactement était -est- au service de qui et/ou de quoi ? A l’inévitable question : combien t’a-t-il donné ? (étant entendu qu’il est milliardaire), je répondrais : combien m’aurait aussi donné le roi Eddy alors ? Mon objectif étant de comprendre -et vous faire comprendre- et non défendre (quiconque) pour quelques ariary de plus. Ma considération n’est que d’ordre journalistique à votre service et rien d’autres. Ceux qui me connaissent vraiment comprendront et les cons les resteront jusqu’à leur mort.
Jacques Randrianasolo : Sachez, pour votre gouverne, que ce nouveau ministre de la Justice était dans la même classe que moi au Bahut (Lycée Gallieni). C’était un « sage » en regard de ma renommée indiscipline sous le proviseur Otmar Meyer alias « serre-fesses » car il faisait peur à tous les élèves… Nous sommes donc de la même génération mais n’avons pas forcément les mêmes objectifs dans la vie. Ni les mêmes moyens de les atteindre. Ancien Procureur Général de la cour d’appel d’Antananarivo (PGCA), il avait été limogé sous forme de mise à la retraite -après l’arrestation de Claudine Razaimamonjy et le caillassage du siège du Bianco par le sénateur Rina Andriamandavy VII-, et remplacé par le ministre de la Justice, Charles Andriamiseza, limogé pour son interview nocturne dans laquelle il avait défendu bec et ongle la même Claudine que l’actuel ministre Jacques Randrianasolo a vite fait de transférer de la prison pour femmes de Manjakandriana vers la prison d’Antanimora. Vous constaterez à travers tout ce mic-mac que la balance de la Justice, à Madagascar, penche toujours vers les « vainqueurs » du moment… Et c’est certainement ce constat qui a amené Ketakandriana Rafitoson, la directrice exécutive de Transparency International, a déclaré dans l’article de Laure Verneau : « Le régime actuel semble vouloir faire un excès de zèle en organisant des expéditions lourdement armées pour montrer qu’il “travaille”, mais justement contre les seuls barons de l’ancien régime. Le jour où il s’attaquera à ses propres “moutons noirs”, et ils sont nombreux, là nous pourrons vraiment apprécier l’objectivité de sa démarche et de ses intentions. Il faut rechercher une application uniforme de la loi ».
Je ne suis -et ne veux être- l’avocat d’aucun diable, étant entendu que le roi Eddy et Mbola Tafaray ne sont pas des anges. Cependant, c’est la façon qui est exécrable. Le « plus jamais ça » n’existera donc… jamais à Madagascar, après l’arrestation -en plein enterrement d’un membre de sa famille- d’Augustin Andriamananoro, le 10 décembre 2016, lui le premier limogé par le régime Hvm/Rajaonarimampianina, alors qu’il avait littéralement cassé sa voix pour faire élire ce minable expert-comptable présenté par qui vous savez au président de la transition. Celui-ci, devenu président de la république élu veut alors instaurer l’Etat de droit et l’Indépendance de la Justice ? Dans ces domaines, son mandat n’est pas abordé sous de bons auspices. Quoi qu’aient fait Eddy Maminirina et Mbola Rajaonah, pourquoi les condamner et les mettre au trou avant même qu’ils n’aient été jugés ? Je ne parle pas, ici, de l’inconscient Hugues Ratsiferana, pris en flagrant délit de vol de mobiliers de l’administration publique et privé de visite en ce moment, à Antanimora. Le ministre Jacques Randrianasolo entend « accélérer la lenteur des procédures judiciaires dans le plus bref des délais ». Soit. Mais ces inculpés (et tous les autres qui suivront) doivent avoir un procès équitable, en ce temps des grands changements tous azimuts… Cependant, « la justice des vainqueurs » peut l’empêcher d’aller au bout de ses louables intentions, Andry Rajoelina, je le répète encore, n’ayant pas le don d’ubiquité. Qu’est-ce qu’on fait déjà lorsqu’on veut accuser son chien d’avoir la rage ? Mais attention au retour du bâton, car le Président Rajoelina a prévenu : « Même à l’endroit de mes proches collaborateurs, je ne tolèrerai ni la corruption ni les abus de pouvoir » (rapporté par Davis R. dans Midi Madagasikara).
Pour l’heure, revenons à notre pain et no jeux du début de ce dossier. Oui, du pain et des jeux, on en veut, pour tous. Mais pas n’importe lesquels, et pas n’importe comment ! Que l’on interroge le pain sous l’angle social, environnemental, économique, et même culturel, tout peut nous ramener aux crises que l’on vit aujourd’hui et à leurs conséquences. Le pain, ce peut être celui du panier de plus en plus cher de la ménagère de plus en plus pauvre. Le pain, base de l’alimentation, celle dont on meurt, par manque ou par excès. Le pain, pris dans le tourbillon de la mondialisation économique et culturelle. Ce ne sont que quelques exemples de la face cachée d’un iceberg dont les crises financières et gouvernementales sont les parties émergentes aujourd’hui.
La « Une » des médias nous assène au quotidien les mêmes vieilles recettes : «nécessaire austérité»; «suppressions»… comme «seules voies de développement possible», ayant pourtant déjà causé tant d’inégalités à travers l’histoire et à travers le monde. Tout cela sème une stupeur paralysante, mais aussi, heureusement, l’indignation. Car les risques de replis et de récupération par des slogans simplistes sont grands, et c’est dire l’importance d’agir au niveau de l’éducation. Il est crucial de transformer, lorsque ce n’est fait, les espaces d’éducation en des lieux où se poser des questions, beaucoup de questions, où prendre du temps pour écouter, appréhender la complexité, élargir ses horizons, s’interroger sur les valeurs qui nous animent, se forger une opinion, rêver le monde, explorer des possibles que l’on peut mettre en œuvre, aujourd’hui, demain… Tout l’inverse des Romains que Juvénal fustigeait il y a près de 2000 ans, qui se contentaient de se nourrir et de se divertir plutôt que de se soucier de leur destin individuel et collectif. Aujourd’hui comme à l’époque, il est plus qu’urgent de reconstruire un autre modèle. Il n’y pas de recettes toutes faites. C’est à créer. Ensemble. Tout cela, ce sont les vœux des formateurs-enseignants Christophe Dubois et Joëlle Van Den Berg. Ils rejoignent, dans un certain sens, les bases de l’IEM d’Andry Rajoelina qui doit comprendre que l’exercice du pouvoir n’est pas aisé.
« Le renouveau Africain a déjà commencé, sa prise de vitesse est enclenchée tel un TGV », a-t-il conclu lors de son discours au 32è Sommet de l’UA à Addis-Abeba. Soit. Mais a-t-il conscience que la « lourdeur » de certains wagons qu’il tracte risque fort de faire dérailler ce TGV pourtant si bien préparé techniquement depuis 4 ans ? J’entends par lourdeur les ambitions non cachées de certains -cherchant à tout écraser sur leur passage-, aux antipodes du développement réel de Madagascar et de l’intérêt du peuple malgache qui ne veut pas que son espérance ne se transforme en un espoir qui fait vivre les imbéciles …
Dossier de Jeannot Ramambazafy
Arrestation de Eddy bois de rose à la City Ivandry