Comme cela a déjà été expliqué sur ces pages, il existe en droit pénal une règle importante, celle de la prescription. Le principe est simple : Quand une infraction a été commise, au bout d’un certaine temps si le coupable n’est pas identifié les poursuites ne sont plus possibles (lire ici). Le point de départ de ce délai est donc en principe le jour de l’infraction.
Mais la cour de cassation a posé un second principe qui atténue la portée du précédent : La prescription, qui court en principe à compter du jour de la commission de l’infraction, est, lorsque celle-ci est occulte ou dissimulée, reportée au jour où les faits ont pu être constatés dans des conditions permettant l’exercice de l’action publique.
On comprend aisément le sens de cette jurisprudence : Le fait pour un individu de dissimuler habilement son infraction ne doit pas lui permettre d’échapper aux poursuites aussi longtemps que personne ne connaît l’existence de cette infraction. Autrement dit, si la prescription a pour raison d’être de ne pas permettre des enquêtes pendant un délai infini, encore faut-il pour que la prescription s’applique qu’une enquête ait au moins pu commencer, ce qui suppose que l’infraction ait été repérée.
Les infractions dissimulées sont le plus souvent des infractions économiques et financières (cf. l’article précédent). Ce que certains appellent la délinquance en col blanc. C’est pourquoi les milieux économiques et leurs relais dans le monde politique ont souvent cherché comment mettre à néant la jurisprudence de la cour de cassation.
Après une tentative législative, à ce jour sans effet car les élus craignent des effets politiques négatifs dans l’opinion publique, c’est par le biais d’une QPC (question prioritaire de constitutionnalité, lire ici) qu’une nouvelle chance a été tentée . Mais encore fallait-il que la cour de cassation accepte de transmettre la QPC au Conseil Constitutionnel puisqu’elle est chargée d’une mission de filtre, en devant, notamment, vérifier le caractère sérieux de la QPC.
Dans une série d’arrêt du 20 mai 2011, accompagnés d’un communiqué de la présidence de la cour de cassation (lire ici), cette dernière, réunie en assemblée plénière, sa plus haute formation, a refusé de transmettre la QPC au Conseil constitutionnel.
Elle a estimé que « la prescription de l’action publique ne revêt pas le caractère d’un principe fondamental reconnu par les lois de la République et ne procède pas des articles 7 et 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, ni d’aucune disposition, règle ou principe de valeur constitutionnelle », que « les règles relatives au point de départ de la prescription de l’action publique et à l’incidence que la connexité des infractions peut exercer sur elle, sont anciennes, connues, constantes et reposent sur des critères précis et objectifs », que « si, selon l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi “légalement appliquée”, cette exigence est satisfaite par le droit à un recours effectif devant une juridiction, qui découle de l’article 16 de la même Déclaration », pour conclure finalement que « la question ne présentant pas un caractère sérieux, il n’y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel ».
Pendant quelques temps encore il n’y aura toujours pas de prime à la dissimulation particulièrement habile des malversations….
http://www.huyette.net/article-la-prescription-et-les-delits-dissimules-74405568.html