L’action civile en réparation du dommage causé par une infraction appartient à tous ceux, mais seulement à ceux, qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction.
Cass. crim., 21 sept. 2016, no 16-82082, ECLI:FR:CCASS:2016:CR04397, Proc. gén. CA Reims, F-PB (cassation partielle sans renvoi CA Reims, ch. corr., 15 mars 2016), M. Guérin, prés., Mme Caron, cons. rapp., M. Wallon, av. gén. : Dalloz actualité, 11 oct. 2016, obs. Priou-Alibert L.
Cass. crim., 22 nov. 2016, no 15-86766, ECLI:FR:CCASS:2016:CR05267, Sté des eaux thermales de Capès Dolé, F-PB (cassation partielle sans renvoi CA Basse-Terre, ch. corr., 13 oct. 2015), M. Guérin, prés., Mme Farrenq-Nési, cons. rapp., Mme Caby, av. gén. ; SCP Boullez, SCP Waquet, Farge et Hazan, av.
Cass. crim., 29 nov. 2016, no 15-86409, ECLI:FR:CCASS:2016:CR05369, Martine X, FS-PB (cassation CA Paris, ch. instr., 6e sect., 15 oct. 2015), M. Guérin, prés., M. Ascensi, cons. rapp., M. Cuny, av. gén. ; SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, av.
Aux termes de l’article 2 du Code de procédure pénale, l’action civile en réparation du dommage causé par une infraction appartient à tous ceux qui ont « personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction », dernière condition sur laquelle la chambre criminelle de la Cour de cassation insiste, soulignant parfois que le dommage doit prendre « directement sa source dans l’infraction poursuivie » (par ex., Cass. crim., 14 janv. 1991, n° 90-81133 : Bull. crim., n° 22).
Les trois arrêts de cassation de la chambre criminelle rendus en septembre et novembre 2016 offrent de belles illustrations de ces conditions de recevabilité de l’action civile :
– dans son arrêt du 21 septembre 2016 (n° 16-82082), la Cour de cassation rappelle sa jurisprudence relative aux victimes dites indignes : « L’auteur d’une infraction n’est pas recevable à se constituer partie civile à l’encontre de personnes qui l’auraient incité à commettre celle-ci, en alléguant le préjudice que lui causerait une éventuelle condamnation » (v., déjà : Cass. crim., 28 oct. 1997, n° 96-85880 : Bull. crim., n° 353 ; D. 1998, p. 268, note Mayer D. et Chassaing J.-F. ; RSC 1998, p. 346, obs. Dintilhac J.-P.). En l’espèce, la chambre criminelle casse donc l’arrêt d’une cour d’appel ayant jugé recevable l’action civile d’une prévenue du chef de fausse déclaration à une personne publique ou à un organisme chargé d’une mission de service public en vue d’obtenir une allocation, une prestation ou un avantage indu – ici le revenu de solidarité active –, introduite du même chef de qualification contre la personne qui l’aurait incitée à commettre cette infraction pour qu’elle soit condamnée à l’indemniser de son prétendu préjudice constitué par les sommes qu’elle devrait rembourser à la caisse d’allocations familiales et au conseil général ;
– dans son arrêt du 22 novembre 2016 (n° 15-86766), la chambre criminelle retient que l’infraction de tromperie ne peut causer de préjudice direct qu’aux consommateurs pour la protection desquels elle est édictée. En l’espèce, elle casse donc l’arrêt d’une cour d’appel ayant jugé recevable l’action civile d’un concurrent d’une société d’eaux thermales dirigée contre une autre société poursuivie pour tromperie sur l’eau de source qu’elle commercialisait. Ainsi que le soutenait le pourvoi, l’infraction de tromperie suppose un contrat entre le professionnel et le consommateur, de sorte que ce délit n’a pour victime directe que le cocontractant, lien et qualité que ne présente pas un concurrent ;
– dans son arrêt du 29 novembre 2016 (n° 15-86409), la chambre criminelle juge que « le recel d’un bien, s’agissant d’une infraction continue, est de nature à causer un préjudice de jouissance personnel et direct aux héritiers du propriétaire auquel ce bien a été soustrait de façon délictueuse, dès lors que ce délit se poursuit à un moment où ils ont acquis cette qualité ». En l’espèce, elle casse donc l’arrêt d’une chambre de l’instruction ayant jugé irrecevable la plainte avec constitution de partie civile des héritiers du propriétaire (décédé) des œuvres d’art et d’archives qui lui avaient été soustraites.
Ces deux derniers arrêts des 22 et 29 novembre 2016 témoignent de ce que le caractère direct du dommage dépend de l’analyse devant être faite de la qualification précise de droit pénal spécial : le lien contractuel entre le professionnel et le consommateur pour la tromperie, le caractère continu du délit pour le recel.
- , professeur à l’université François-Rabelais de Tours, membre du CRDP (EA 2116 ; IRJI)