Tout détenu qui entre en prison sera un jour amené à en sortir. Il est dans l’intérêt de la société qu’il ne se replonge de nouveau dans des sales boulots et qu’il puisse se réinsérer. Une telle réinsertion qui ne se fait pas du jour au lendemain. L’histoire de Randria (nom d’emprunt) nous informe la difficulté de la vie carcérale ainsi que la réinsertion au niveau de la société.
«Le rythme de vie en prison est beaucoup plus lent. Tout est contrôlé. A l’extérieur, ça va beaucoup plus vite. Il y a un décalage», c’est ce que Randria (nom d’emprunt) un ex-détenu de la prison d’Antanimora a affirmé. Il est sorti de prison le 5 juin dernier après avoir passé 4 ans derrière les barreaux. A sa sortie, il sait qu’il ne sera jamais plus la même personne aux niveaux des communautés. Parfois, les souvenirs reviennent le hanter la nuit ou bien même au quotidien. Mais la vie continue et Randria a voulu la vivre la sienne. « Commencer la réinsertion. C’était la seule solution pour tenir le coup, dès que j’ai passé la grosse porte de la prison ». a-t-il affirmé.
Randria était l’un des bandits arrêtés par les éléments des forces de l’ordre en mois de juin 2014, lors d’un cambriolage suivi d’un harcèlement et meurtre à Faravohitra. Avec ses complices, ils arrivaient à effectuer plus de deux cambriolages par semaine. A noter que, Randria est l’un des bandits possédant une arme à feu pour terroriser leurs victimes. En fait, Randria est un père de famille modèle aux yeux de sa famille surtout aux yeux de sa femme. Il est le père idéal pour une famille, il apporte tout à la maison, ne se doutant de rien, sa femme avait une confiance aveugle concernant son travail. « J’ai choisi d’être un bandit pour subvenir aux besoins de ma famille. Certes, j’avais un boulot au sein d’une grande société dans la Capitale, sauf que je gagne ma vie avec un salaire de misère » avance encore Randria. Il a ajouté qu’il peut gagner plus de un million d’Ariary en une opération de cambriolage. Par ailleurs, dans son explication, les bandits ne ciblent que les personnes possédant une grande somme d’argent. Avant d’attaquer, Randria et ses complices se réunissent pour élaborer les stratégies d’attaque. L’un d’entre eux surveille les faits et gestes de leur prochaine victime et ce, durant plusieurs jours, voire plusieurs semaines. Il y a des fois que leurs actes ont été commandités par une autre personne, et son équipe ne fait qu’exécuter les ordres.
Redémarrer une nouvelle vie
L’enfermement et l’isolement mettent à mal la volonté des détenus. Pour Randria, être entouré de ses proches était le meilleur remède, pour avoir la force de s’avancer. « J’ai eu de la chance car j’ai toujours eu l’appui de ma famille. Ce qui m’attristait le plus était de voir ma femme pleurer le jour de mon arrestation, je n’ai pu rien faire, je ne sais pas quoi lui dire, c’était trop triste. Ma femme venait me voir toutes les semaines, en emmenant mon fils. Mes proches m’ont très vite convaincu de prendre les choses en main », a-t-il confirmé. « C’est ce qui m’a motivé à être confiant pour redémarrer une nouvelle vie après la prison ». En effet, la situation est plus compliquée pour d’autres détenus. Certains se trouvent à des centaines de kilomètres de leurs proches, qui n’ont pas toujours les moyens de venir apporter leur soutien toutes les semaines. D’autres ne se font plus accepter par leurs proches et coupent définitivement tous les liens avec eux.
Et oui, Randria a avoué, c’était six mois après son incarcération qu’il a appris à connaître une autre vie, qui est la vie chrétienne. Il a décidé de suivre des enseignements bibliques durant sa détention, il a également décidé de se faire baptiser au sein de l’église qu’il avait choisie de suivre. A noter qu’avant son incarcération, Randria était musulman, mais non pratiquant.
Et puis un jour, grâce à sa volonté de changer de vie, les barreaux s’écartent et s’ouvrent sur la liberté, et Randria a obtenu une réduction de peine de deux ans. « C’était un miracle », avouait-il, « et ce après tout ce que j’ai fait ». On peut dire que Randria a encore des difficultés à réintégrer la société. Avec sa petite famille, Randria a construit une nouvelle vie aux 67ha. Certes, les habitants sont ingrats, désagréables envers lui. « J’avoue que je dois m’habituer à entendre les gens me dire que je suis un ex-détenu, et ce qui m’attriste, c’est de savoir que cela impactera la vie de ma famille surtout de mon enfant. Il restera pour toujours le fils d’un ex-détenu, d’un bandit ou d’un malfrat. Et même si j’essaie de faire comprendre à tout le monde que j’ai changé, que la prison m’avais changé, cela n’empêche pas les gens à me juger », avouait-il.
Côté travail, on peut dire que Randria a réussi son insertion. Deux semaines après sa sortie, il est en période d’essai pour peut-être décrocher un CDI au sein d’une société dans la capitale, sauf que son embauche nécessite une signature de convention avec l’employeur. Il essaie par contre de cacher son passé à ses collègues de travail pour ne pas semer du doute auprès de la société. Il a pris conscience que c’était en entrant en prison qu’il devait préparer sa nouvelle entrée en société.
Les détenus reviennent dans ce monde qu’ils avaient, pour beaucoup oublier. S’ils ont obtenu de nouvelles compétences en prison, nombreux sont ceux qui n’ont plus rien en sortant : plus de famille, plus d’amis, plus de boulot, plus de logement. Pour de nombreux détenus, cette situation est plus compliquée. Les conditions d’incarcération les déconnectent entièrement de la réalité. Une fois en dehors, difficile de les rattraper. Et si on ne trouve plus sa place dans cette société, que fait-on ? On retourne en prison.
Nampoina R.