Les débats houleux qui ont opposé durant l’entre-deux tours les partisans d’Andry Rajoelina et ceux de Marc Ravalomanana, n’ont peut-être pas été à la hauteur des attentes, mais ils ont eu le mérite de mettre le doigt sur un point : l’impunité favorise les rancœurs. D’un côté, les pro-Rajoelina ont ressorti la liste impressionnante des crimes et délits commis par Marc Ravalomanana de 2002 à 2009. D’un autre côté, les zélateurs de Ravalomanana ont tapé comme des sourds sur les excès et les insuffisances de la Transition de 2009 à 2013. Face à une avalanche de vérités, à un torrent de mensonges et à des vents de rumeurs contraires, les néophytes ont eu du mal à distinguer le vrai du faux. C’est là que la justice républicaine a son mot à dire. Si Marc Ravalomanana avait été condamné pour chacun de ses crimes et délits, il aurait été déclaré inéligible au scrutin du 7 novembre 2018. Pour éviter le règne de l’impunité qui engendre des crises répétitives, il faut des enquêtes sérieuses, des procès équitables et des condamnations exemplaires.
Dans cet esprit constructif, il est nécessaire et même indispensable, que les malversations perpétrées durant le régime Rajaonarimampianina soient sanctionnées, sinon elles se perpétueront lors du mandat du prochain Chef de l’Etat. Les appels à l’apaisement relèvent davantage de l’irresponsabilité que de la sagesse. Les mesures d’apaisement font reculer la justice en laissant persister les injustices. Toutes les violations de la loi commises pendant le mandat d’Hery Rajaonarimampianina méritent d’être rappelées et portées à la connaissance de tous. Aucune personnalité du HVM ne doit être épargnée et on aurait tort de se focaliser sur les seuls scandales des deux ou trois dernières années. Il faut oser remonter au début du quinquennat. Jean Pierre Laisoa, Mbola Rajaonah et Claudine Razaimamonjy doivent s’expliquer sur le financement occulte du HVM à ses débuts ; Solofo Rasoarahona sur sa pratique des écoutes téléphoniques et Nicole Andrianarivoson sur ses interventions abusives au sein du système judiciaire. Au nom de la transparence, la population exige la vérité sur l’acquisition par Hery Rajaonarimampianina de son appartement parisien et sur ses comptes bancaires à l’étranger. Herisoa Razanadrakoto est dans la ligne de mire avec ses trafics d’influence. Il en est de même pour Paul Rabary avec ses détournements des deniers publics au Ministère de l’Education Nationale. On ne saurait oublier Mamy Ratovomalala qui est impliqué jusqu’au cou dans la cession contestée de la société Kraoma et dans la vente illicite des terrains de la Sirama à Nosy-Be. On est attentif aux explications de Charles Andriamiseza à propos de sa défense publique de Claudine Razaimamonjy ; de Jean Max Rakotomamonjy à propos des mallettes pleines d’argent distribuées aux députés et de James Andrianalisoa à propos des passations de marchés publics entachées d’irrégularités et des avantages exorbitants octroyés à Madagasikara Airways. Ce n’est pas tout. Solonandrasana Mahafaly Olivier doit fournir de plus amples éclaircissements à la justice sur l’origine des milliards dérobés à son domicile, ainsi que sur le scandale des permis de conduire et des cartes grises, lequel éclabousse également Eric Rajaonary Béatrice Atallah sur son népotisme au sein du Ministère des Affaires Etrangères et Mohamed Rachidy sur ses détournements de deniers publics à la Jirama. L’opinion publique veut connaître la vérité sur Hugues Ratsiferana et ses commissions perçues auprès de Ravinala Airports ; sur Jaobarison Randrianarivony et sa mainmise sur les évènements festifs du HVM ; sur Henri Rabary Njaka et ses honoraires abusifs facturés à Air Madagascar et sur Matthieu Rakotoarimanana Rajaonarimampianina et son acquisition du restaurant Shakan à la City à Ivandry.
Des procès sont attendus concernant des faits de corruption reprochés à Elise Rasolo Alexandrine dans l’affaire Houcine Arfa et à Mbola Rajaonah au niveau des Douanes. Toujours à propos des fraudes douanières, Willy Rakotomalala et Hervé Rabehatriniony ont joué un rôle actif. La corruption a été omniprésente lors de l’organisation du Sommet de la Francophonie. Elle s’est manifestée aussi lors de la cession d’Air Madagascar et dans l’affaire Ametis. Elle s’est imposée également lors de l’achat des votes des députés afin qu’ils renoncent à la déchéance du Chef de l’Etat. La justice doit être intransigeante à l’égard de JohnFringe Bekasy concernant ses trafics de bois de rose ; à l’égard de Riana Andriamandavy VII concernant ses insultes et ses menaces contre des policiers et des magistrats et à l’égard de Hervé Rabehatriniony concernant son importation illicite d’armes à feu. Toute la lumière doit être faite, avec les conséquences de droit, sur les ventes illicites de terrains à Soamahamamanina et à Nosy-Be. La population attend des condamnations à la suite du meurtre d’un exploitant minier à Anjozorobe, de la tuerie du 21 avril 2018 à Analakely et des kidnappings successifs commandités par de hautes personnalités. Ce florilège n’est qu’un échantillon des crimes et délits commis pendant le quinquennat de Hery Rajaonarimampianina. Il est souhaitable que tous ces faits, tantôt criminels, parfois délictuels, mais toujours immoraux, ne restent pas impunis, sinon ils se reproduiront inévitablement. Cette impunité explique en partie le taux d’abstention aux deux scrutins de l’élection présidentiel. Nos compatriotes sont dégoûtés par les politiciens. C’est pourquoi, leurs convictions vacillent. Un retour à la morale donc est vital, à défaut de son triomphe. L’heure n’est plus au sentimentalisme et à l’angélisme. Il ne faut pas avoir peur du droit. Il faut l’appliquer au lieu de le contourner. C’est le seul moyen d’être constructif ensemble. On a donné une chance au Fihavanana, mais cela n’a pas suffi. Il faut donner une chance à la justice. Si la justice républicaine n’est pas à la hauteur, la justice populaire le sera. Au-delà des clivages politiques, notre journal a choisi d’administrer cette piqûre de rappel par souci du bien commun.
Phil de Fer et PN
NDLR : La présente parution est la version plus élaborée d’un article paru samedi 22 décembre 2018.