Table ronde sur l’amélioration des conditions carcérales
23 octobre 2018 – Hôtel Ibis Ankorondrano
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Discours d’ouverture de Madame HARIMISA Noro Vololona,
Garde des Sceaux, Ministre de la Justice
Prononcé par le Directeur de Cabinet
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Honorables invités en vos fonctions, rangs et grades tout protocole respecté,
Excellences, Mesdames et Messieurs,
Je suis extrêmement honorée de l’invitation qui m’est faite d’intervenir lors de cette cérémonie d’ouverture de cette table ronde sur l’amélioration des conditions carcérales.
Je tiens à féliciter d’emblée les organisateurs pour leur initiative qui, je l’espère aboutira à des propositions concrètes qui pourront avoir une application pratique. Je remercie en particulier la Commission Nationale Indépendante des Droits de l’Homme (CNIDH) pour le dynamisme dont vous faites preuve depuis votre récente mise en place. Par une réforme législative qui a été appuyée par le Ministère de la Justice il y a quelques mois, la CNIDH s’est vue confiée une compétence nouvelle, à savoir la prévention de la torture. Je constate, Madame la Présidente que l’institution que vous présidez a pris pleine mesure de ses nouvelles attributions et je vous en félicite.
Je remercie également l’ensemble des entités qui forment le comité de pilotage de la célébration du 70ème anniversaire de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme. Je constate avec joie que diverses manifestations sont déjà programmées dans ce cadre et je vous encourage vivement à persévérer sur cette lancée.
Je salue également les partenaires financiers qui ont soutenu cette table ronde.
Mesdames et Messieurs,
Le sujet d’aujourd’hui, à savoir l’amélioration des conditions carcérales, est d’une importance certaine. Je félicite les organisateurs pour les choix des sous thèmes qui concernent au premier plan le Ministère de la Justice, aussi bien à travers l’Administration judiciaire que du côté de l’Administration pénitentiaire. Mon intervention de ce matin va essayer de synthétiser les actions en cours sur ces points.
1°) Du côté de l’Administration judiciaire, diverses ont été mises en œuvre pour essayer de traiter la problématique dans sa globalité.
Je vais vous parler essentiellement des actions menées par la cellule de veille stratégique qui a été instituée au niveau du Ministère de la Justice afin d’accélérer le traitement des dossiers pénaux.
Parmi les réalisation concrètes de cette cellule, citons la mise en place d’un Task Force au niveau de la Cour de Cassation en vue de traiter les dossiers des détenus cassationnaires. Il s’agit principalement d’apurer les dossiers sur lesquels des décisions ont déjà été rendues mais non encore notifiées aux parties pour diverses raisons. Une équipe a alors été envoyée en renfort au niveau de la Cour de cassation pour accélérer la frappe de ces décisions en vue de leur notification.
Les audiences CCO, CCSA, CCS, audiences foraines et audiences de flagrant délit au niveau de toutes les juridictions ont également été multipliées par appui budgétaire du Service du Fonds de la Justice Pénale et Assimilés (FJPA) de la DAFP du Ministère de la Justice. Un montant total de 2 milliards d’ariary a été alloué à cette action cette année et les résultats sont significatifs sur le terrain.
La procédure du traitement des demandes de libération conditionnelle a également été accélérée en l’application de la circulaire n° 03-MJ/SG/DGAJER/ DAJ/SJPG/CIRC/18 du 21 mars 2018 et un échange de points de vue en la matière a été effectué entre la DAJ et tous les DIRAP. Ainsi, diverses recommandations ont été émises lors de l’atelier du 17 novembre 2018 sous l’égide du CICR.
Dans la foulée, j’ai signé le 17 septembre 2018 la circulaire n° 08/MJ/SG/DGAJER/DAJ/CIRC/18 portant Renversement du ratio condamnés/ prévenus et dont les mesures essentielles sont les suivantes :
a) j’ai ordonné la libération immédiate des personnes en détention ne faisant pas l’objet d’un titre de détention valide pour pallier à la persistance de la détention préventive prolongée au-delà de la validité du titre de détention. Pour la concrétisation de cette mesure, un magistrat du Parquet et du Parquet Général de la Cour d’appel doivent être désignés en tant que points focaux chargés du suivi de la détention préventive dans les établissements pénitentiaires de leur ressort.
b) Le Ministère de la Justice recherche également des solutions pragmatiques pour faire diminuer le nombre des personnes placées sous mandat de dépôt. Pour ce faire, le traitement en temps réel, une méthode de travail qui implique la direction effective de l’enquête pénale par le magistrat du Parquet dès la saisine des officiers de police judiciaire, a encore été renforcé. La liaison entre le Parquet et les OPJ est alors permanente, ce qui évite d’éventuels renvois du dossier pour régularisation après le déferrement.
Il est également recommandé de tout de suite classer sans suite l’affaire ou de prononcer le non-lieu en cas d’inexistence ou d’insuffisance de charges, en particulier s’il s’agit d’affaires civiles et éviter ainsi les renvois à la formation de jugement qui peuvent prendre un certain temps.
De plus, en application de l’article 333 du CPPM, le magistrat se trouve désormais dans l’obligation de bien motiver toute décision de placement sous mandat de dépôt parmi les neuf critères prévus les canevas de décision mis à sa disposition.
Enfin, le recours au contrôle judiciaire, qui est prévu par les articles 223 al.2, 223 bis al.1 et 273 al.4 du CPPM, est encouragé. Par cette mesure, la personne inculpée mais mise en liberté en attendant son procès, est soumise à l’accomplissement d’une ou plusieurs obligations dont la nature et les modalités sont fixées par le magistrat.
c) La troisième mesure instaurée par la circulaire du 17 septembre 2018 vise à réduire la durée de la détention préventive des personnes placées sous mandat de dépôt en généralisant les mesures préconisées par la cellule de veille stratégiques que sont : la multiplication des audiences foraines, des audiences correctionnelles et criminelles par une augmentation du budget alloué en la matière, la multiplication des audiences de flagrant délit qui confèrent à la décision le caractère contradictoire et limitent ainsi les risques de renvois divers, la garantie de la mise en état des dossiers enrôlés, la transmission rapide des dossiers frappés d’appel ou objets de pourvoi en cassation, le retour immédiat des dossiers jugés par la Cour de cassation et les Cours d’appel aux juridictions d’origine, et enfin la notification systématique des personnes détenues des actes relatifs à leurs dossiers et des décisions judiciaires les concernant.
J’ai également veillé à l’accompagnement des juridictions dans la mise en œuvre pratique de toutes ces mesures et ainsi en est-il de l’augmentation globale du budget alloué aux TPI de l’ordre de 12 à 20% pour 2019. Des sessions de formation axées sur la gestion budgétaire et le management ont également été dispensées aux Chefs de juridiction pour leur permettre d’atteindre ces objectifs.
Mais vous tous ici présents, et surtout la société civile, avez un rôle de donneur d’alerte si par malheur ces recommandations ne sont pas effectivement appliquées.
II°) Mais c’est surtout du côté de l’Administration pénitentiaire que des efforts importants ont été consentis par le Ministère de la Justice
Depuis ma nomination à la tête du Ministère de la Justice, l’amélioration des conditions carcérales a été au centre de mes préoccupations. Bien entendu, en tant que magistrate, j’en avais une certaine idée mais c’est lors de mes nombreuses visites dans plusieurs établissements pénitentiaires que je me suis rendu compte de l’immensité des besoins du monde carcéral à Madagascar. J’ai donc établi dans ma liste des priorités l’augmentation du budget de l’Administration pénitentiaire. C’est maintenant chose faite avec le budget 2019 où les DIRAP en sont les grands bénéficiaires avec une augmentation de près de 100%.
Cette augmentation est surtout dictée par le retrait prochain du CICR, qui est depuis 16 ans le partenaire privilégié de l’Administration pénitentiaire. Ainsi, un effort particulier a été fait pour l’amélioration de la nourriture des détenus avec l’application de la nouvelle diète carcérale qui a déjà produit des effets probants dans les deux Maisons centrales pilotes de Toliara et de Miarinarivo. L’idée consiste à alterner trois plats au lieu d’un seul constitué uniquement de manioc, à fournir deux repas par jour au lieu d’un, à fixer à au minimum 2000 Kcal par jour par détenu l’apport calorifique des aliments, à améliorer les conditions d’hygiène et à mettre en place un régime alimentaire particulier pour les malnutris sévères.
J’ai donné des ordres stricts pour une meilleure gestion de cette nouvelle manne financière et j’ai eu l’occasion de prévenir les DRAP que je ne tolérerai aucun manquement dans la gestion des deniers publics qui leur sont confiés.
Diverses infrastructures pénitentiaires ont été construites par le Ministère de la Justice cette année comme les nouvelles maisons centrales de Vangaindrano, de Fénérive Est et de Moramanga. Pour l’année 2019, la construction d’une nouvelle maison centrale à Avaradrano est déjà budgétisée.
En ce qui concerne la lutte contre la torture et diverses autres formes de maltraitance en prison, une avancée a été réalisée en 2016 avec la création d’une Direction de l’Inspection pénitentiaire au sein du BCCJEP. Cette direction est totalement indépendante et ne rend compte de ses actions qu’à leur coordonnateur et au Ministre. Elle mène des missions régulières d’inspection au sein des établissements pénitentiaires et beaucoup des propositions concrètes formulées à ces occasions ont été mises en pratique. Signalons également les divers cas de saisine de l’autorité disciplinaire suite à des manquements relevés durant ces missions d’inspection.
Tout ceci pour vous dire que, si je m’accorde avec vous pour dire que les conditions carcérales à Madagascar restent pour l’ensemble mauvaises, il ne faut pas se voiler la face, le Ministère de la Justice met en œuvres diverses mesures pour les améliorer.
Cet échange entre le Ministère de la Justice et le CNIDH ainsi que la société civile sera bénéfique pour tout un chacun car il facilite la compréhension mutuelle. S’il est vrai qu’en tant que donneur d’alerte, votre devoir consiste surtout à signaler les trains qui arrivent en retard, vous conviendrez avec moi qu’à partir de maintenant, beaucoup de trains commencent à arriver à l’heure.
Je veux dire par là que nos relations réciproques ne sont pas condamnées à être conflictuelles. Nous pouvons travailler main dans la main car nos objectifs finaux vont dans la même direction.
Et sur ce, je déclare ouvert cet atelier de concertation en vue d’améliorer les conditions carcérales à Madagascar.
Je vous remercie de votre aimable attention
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