Les cas de vindicte populaire s’intensifient de jour en jour. Allant des coups de bâton jusqu’à l’immolation par le feu, les bandits pris en flagrant délit par la population subissent parfois de longues tortures avant de rendre l’âme. La cause principale de cet accroissement de la vindicte populaire est la perte de confiance de la population envers les autorités responsables de la sécurité et de la justice. En effet, la raison comme quoi un malfaiteur pris en flagrant délit et remis à la justice est toujours libéré sans sanction adéquate revient toujours dès qu’on interroge la population sur cet acte, considéré par certains comme barbare et par d’autres comme libérateur.
La population s’acharne sur les malfaiteurs qu’ils attrapent, peu importe la gravité de son acte. A Ambatondrazaka, un homme a été amputé de son bras suite à un vol de canard. Il a perdu beaucoup de sang et a dû être hospitalisé avant d’être remis à la gendarmerie. Dans les marchés d’Antananarivo, les pickpockets pris en flagrant délit sont tabassés à mort s’ils ne sont pas sauvés à temps par les responsables de la sécurité des marchés ou par la police. Cette haine extériorisée s’explique surtout par la frustration de ne pas pouvoir agir en cas de grosse attaque, ce qui fait qu’on se rabat sur ce qu’on peut. En effet, les crimes de haut niveau comme les kidnappings et les attaques à mains armées sur les routes nationales et dans les habitations deviennent de plus en plus organisés. Les malfaiteurs sont munis d’armes sophistiquées. Face à ces bandits, la population ne peut qu’observer ses compatriotes qui se font braquer. Une population qui essaye de faire son maximum pour se protéger.
Attaque anticipée
La semaine dernière, un jeune homme d’une vingtaine d’année s’est fait braquer dans une ruelle à Antaninandro. Il a joué avec son smartphone quand 2 hommes se sont approchés pour l’attaquer, mais il s’est défendu en sortant une arme et a tiré sur les bandits. Il en a blessé un et l’autre s’est enfui. D’après ceux qui ont assisté à la scène, « il n’a même pas eu besoin de charger son arme et a tiré avec aisance. », comme s’il a piêgé ces bandits avec son smartphone pour pouvoir tirer. « Ce jeune homme joue au justicier, car les responsables de la sécurité ne font rien. J’ai entendu le coup de feu derrière ma boutique et cela ne m’a pas surpris car j’ai l’habitude des attaques armées. Ce qui m’a surpris, c’est quand on m’a raconté que c’est la victime qui a tiré. C’est une première et j’espère que ça va continuer ». La réaction de cet homme prouve que la population en a marre de l’insécurité. Ils approuvent la vindicte populaire, car c’est le seul moyen visible qui prouve à leurs yeux qu’un malfaiteur a payé de ces actes. Une injustice qui règle l’injustice.
On a recensé des cas de vindicte populaire dans toutes les villes moyennes et quelques villages connus de Madagascar. La majorité de la population n’a pas suivi des cours de Droit et se moquent des procédures. Tous ce qu’ils savent, c’est qu’un bandit connu de tous est toujours libéré après son arrestation. Le rôle de la police, des juges et des jurés n’est pas connu par la population, par contre, ils voient un bandit en liberté. Pour eux, la preuve la plus solide est le fait d’avoir surpris cet individu en flagrant délit. La vindicte populaire est le seul moyen d’expression de la population pour dire qu’ils en ont marre de vivre dans la crainte de se faire attaquer tous les jours. Un moyen pour intimider les malfaiteurs et en même temps extérioriser la frustration de vivre dans la terreur au quotidien.
T. Berado