Désolé, mais Tonton est toujours en campagne (pas l’électorale, la vraie, celle où l’on ressent le froid et les petits crachins de la fin Juin) dans le Madagascar profond et je suis donc amené à continuer mon rôle d’intérimaire du spectacle…
Le titre est « Coups de griffes » ? En cette semaine, n’ayons pas peur des inculpations pour coups et blessures volontaires…
Oui, oui, les fidèles connaissent le petit passage habituel de Tonton : « N’ayez crainte (…) Mes seules armes, c’est le clavier, c’est l’irrévérence et une ironie trempée d’un peu d’humour ». Mais il est des semaines où l’envie de flirter avec les articles 228 et 232 du Code pénal peut vous traverser. Et celle en cours fait partie de ces semaines.
Je fais bien entendu allusion à l’affaire Iharizaka. Commençons par un aveu : je connais bien Iharizaka, et ai été mis au courant de « l’affaire » dans les premiers jours, mais me suis abstenu d’en parler par souci de ne pas compliquer la situation, vu que ce qui allait suivre était assez prévisible…
Résumons les faits : lundi 10 juin vers 9h30, une voiture mal garée devant l’immeuble Aro à Ampefiloha entraîne une altercation entre deux automobilistes, Iharizaka R. et Faniry R. Ils l’ignorent à cet instant là, mais il se trouve que l’un est ancien ministre des télécommunications et l’autre est magistrate.
S’il s’était agi d’un receveur de bus et d’une maraichère, la conversation aurait été en langue malgache, mais là ça se passe dans la langue de Molière (l’histoire ne précise pas si les voitures parlaient entre elles dans la langue de Goethe, mais ça n’aurait sans doute pas changé grand chose quant au niveau d’incompréhension). Iharizaka est en pétard, il qualifie son interlocutrice de « pétasse ». Vous interprétez cela comme vous voulez, mais je vous recopie les définitions de mon dictionnaire :
- (Populaire) (Vieilli) Prostituée, ou femme facile.
- (Sens moderne) (Populaire) (Péjoratif) Fille d’un mauvais genre, vulgaire.
- (Sens moderne) (Populaire) (Péjoratif) Femme prétentieuse.
- Hier, donc c’étaient les soldes. Donc en bonne pétasse parisienne que je suis, je suis donc allée à Hausmann, avant le taf, à 9 heures récupérer mes fringues mises de côté avant les soldes grâce à ma carte de super pétasse parisienne. — (site www .mhcestmoi.com, 2008)
- […] ; ils parlent fort, écoutent de la musique de sauvage et ont un humour fort particulier, surtout pour les pétasses de bourges ! s’amusa-t-il.
— C’est moi la pétasse de bourge ?
— Toi et les filles de ton milieu : ils ne t’appréciaient pas beaucoup non plus. Il faut dire que la seule fois où tu as tenté de passer une soirée avec nous, tu t’es comportée de façon tellement hautaine, supérieure et arrogante, qu’ils t’ont vite cataloguée : on a dû partir pour éviter que la soirée ne dégénère. — (Nathalie Faure Lombardot, Amnésie, BoD, 2010, p. 151)
Sens moderne ou sens ancien ? En tout cas, ce sont les archaïsmes qui se réveillent car l’on en vient aux mains. Et là les versions divergent sur qui frappe qui… Toujours est-il que le hasard fait que les deux protagonistes se rencontrent à nouveau au commissariat de police d’Ampefiloha, chacun entendant porter plainte, et que de nombreux témoignages laissent penser qu’aux alentours de 10 heures, la dame ne portait pas de marques de coups au visage (j’allais écrire « la dame n’était pas amochée », mais cela risquerait de passer pour du sexisme).
En fin d’après-midi, des agents de police sont venus chercher Iharizaka à son bureau pour le ramener à la brigade criminelle et le garder à vue. Entretemps, la magistrate était allée porter plainte au Parquet, en exhibant semble-t-il des blessures au visage, un certificat médical et un chemisier déchiré. Pour Iharizaka par contre, les choses ne font pas un pli (de robe de magistrat) : le lendemain, il se retrouve en mandat de dépôt et huit jours plus tard, il est condamné à trois mois fermes de prison [1]. Le moins qu’on puisse dire, c’est que le doute n’a pas vraiment bénéficié à l’accusé et certains témoignages ont pesé plus lourd que d’autres.
Tout cela n’étonnera que ceux qui ne connaissent pas bien le fonctionnement des tribunaux malgaches. Pour un Iharizaka dont le cas se retrouve médiatisé, combien de bougres se retrouvent embastillés (désolé, impossible de trouver un meilleur mot) pour des motifs incompréhensibles ? L’on veut bien croire que les juges sont humains, et que errare humanum est, mais… le coeur (et peut-être les zones environnantes, dont la poche du portefeuille) a ses raisons que la raison ne comprend pas.
En l’occurrence, la raison serait l’article 333 du Code de procédure pénale qui dit que « la détention préventive est une mesure exceptionnelle ». Belle utopie ; la réalité, c’est que le mandat de dépôt est de nos jours perçu par les victimes réelles ou alléguées, et malheureusement aussi par une partie de la « Justice », comme un moyen de chantage. Et une fois qu’un mandat de dépôt a été décidé par un juge, il est bien difficile d’obtenir de ses collègues une décision dans un sens contraire qui serait perçue comme un désaveu. Faut pas pousser quand même ! On ne va pas en plus donner aux innocentés la moindre tentation de demander à l’État des dommages et intérêts pour détention abusive !
Tout cela n’est malheureusement pas bien nouveau… Mais les quatre dernières années auront été bien sombres dans ce domaine, et l’on rit jaune en lisant Tonton demander ce que fait la ministre de l’Injustice…
Dans l’attente, en l’absence d’un pouvoir respectable et respecté, c’est vingt millions de personnes qui se retrouvent en taule. Et les péteux, les pétasses et les pétitionnaires peuvent se péter la gueule en constatant que dans la page Web de présentation des discours du PT, on continue de mettre en exergue un beau discours qui contient la phrase : « Madagascar a besoin d’un homme de parole ». Je vous assure que je n’ai pas fumé de pétard, les services d’Ambohitsorohitra tout au service du PT n’ont même pas pris la peine de rendre plus discret le discours de non candidature du 15 janvier 2013 ! Pour en avoir la preuve, cliquez ici avant qu’ils ne s’avisent de rattraper la bévue.
« Madagascar a besoin d’un homme de parole » : dans la tradition intermittente des vidéos musicales pour conclure un éditorial, Leo Chiosso, Giancarlo Del Re et Dalida ont certainement leur mot à dire.
Bon week-end quand même, et n’oubliez cependant pas que quand on confisque le pouvoir, c’est le peuple qui en est privé !
Bébé Patrick, intérimaire de Tonton Georges